
Croissance record, dynamisme agricole et pétrolier, mais viabilité de la dette en alerte : le rapport de la Banque mondiale décrypte l’économie nigérienne sous le régime Tiani.
Contre toute attente, le Niger affiche en 2024 l’une des plus fortes croissances économiques du continent africain, et ce, en dépit d’un isolement diplomatique croissant. C’est ce qui ressort du rapport économique pays de la Banque mondiale, publié jeudi 12 juin, qui décrit une économie nigérienne en plein rebond, portée par les exportations pétrolières et une bonne saison agricole.
« La croissance économique a atteint 8,4 % en 2024, contre 2 % en 2023 », souligne le rapport, mettant en avant un tournant décisif pour ce pays sahélien frappé par une instabilité politique et sécuritaire chronique. Selon l’institution financière internationale, cette croissance « robuste » s’explique par le démarrage des exportations pétrolières à grande échelle via l’oléoduc Niger-Bénin, couplé à une production agricole vigoureuse grâce à des conditions climatiques favorables.
« La production pétrolière devrait permettre au Niger de doubler ses recettes d’exportation dans les prochaines années », affirme le rapport. Et d’ajouter : « La bonne pluviométrie de 2024 a également renforcé la sécurité alimentaire dans certaines régions. »
Une embellie économique à nuancer
Malgré ces résultats flatteurs, le tableau n’est pas sans ombres. Le même rapport note une baisse des recettes fiscales qui a affecté les dépenses d’investissement public. Ce recul s’explique en partie par la réduction de la coopération internationale, suite au coup d’État militaire de juillet 2023 et aux tensions persistantes avec des partenaires comme la France et le Bénin. Conséquence : le FMI et la Banque mondiale ont abaissé la note de viabilité de la dette du Niger, qui passe de « modérée » à « élevée », principalement en raison de l’accumulation rapide des arriérés et du creusement du déficit budgétaire.
« La soutenabilité de la dette devient préoccupante dans un contexte où les marges budgétaires sont limitées », avertit le rapport.
Des vulnérabilités structurelles à corriger
Han Fraeters, représentant résident de la Banque mondiale pour le Niger, insiste sur la fragilité des moteurs de croissance actuels : « Les moteurs principaux de l’économie du Niger, à savoir le pétrole et l’agriculture pluviale, sont limités et exposés à divers chocs. »
Il plaide pour une transformation structurelle du secteur agricole : « Il est crucial d’investir dans un système agroalimentaire efficace et résilient pour assurer une croissance durable et inclusive à long terme. »
Le rapport recommande notamment la diversification des cultures, l’extension de l’irrigation, et l’utilisation accrue des technologies agricoles intelligentes, afin d’accroître la productivité et de réduire la dépendance aux aléas climatiques. Danon Gnezale, économiste principal et co-auteur du rapport, estime quant à lui que les efforts doivent également porter sur la gestion des risques sécuritaires : « Si les risques sécuritaires sont maîtrisés et les efforts d’expansion de l’irrigation aboutissent, la croissance pourrait être plus élevée en 2025. »
Perspectives 2025 : un ralentissement attendu, mais une dynamique solide
Pour l’année 2025, la Banque mondiale anticipe un léger ralentissement de la croissance, à cause de l’effet de base élevé de 2024. Toutefois, celle-ci devrait demeurer supérieure à 6 %, portée par la montée en puissance du secteur pétrolier. Le rapport ajoute que l’inflation pourrait ralentir si la prochaine saison agricole est favorable, ce qui contribuerait à réduire encore l’extrême pauvreté, dont le taux a déjà commencé à reculer cette année.
« On entrevoit une baisse continue du taux d’extrême pauvreté entre 2025 et 2027, à condition que la production agricole reste solide », mentionne la Banque.
Néanmoins, le défi de l’insécurité alimentaire demeure crucial. Plus de 3 millions de Nigériens restent exposés à une insécurité alimentaire aiguë, selon les données croisées avec les estimations du Programme alimentaire mondial.
Un « coup de maître » économique salué malgré l’isolement
Dans un contexte de fortes tensions diplomatiques avec la France et le Bénin, et alors que le pays fait face à des sanctions de la CEDEAO partiellement levées, le Niger du général Tiani réussit un coup d’éclat économique, largement reconnu par la Banque mondiale. « Ces performances démontrent que, même dans un environnement politique difficile, une gestion rigoureuse et l’exploitation efficace des ressources naturelles peuvent produire des résultats économiques tangibles », conclut le rapport.