Casimir DJIDAGO, Enseignant de français à Cotonou
« Les premiers artisans de ces succès sont les apprenants eux-mêmes »
« Les premiers artisans de ces succès, ce sont à mon sens les jeunes eux-mêmes. Les élèves que nous avons aujourd’hui font d’immenses efforts d’autoformation. Ils évoluent dans un environnement numérique très fourni, qui leur permet d’accéder facilement à des contenus pédagogiques variés et denses. Et ces ressources ne cessent de s’améliorer d’année en année. C’est un soutien de taille. À notre époque, nous n’avions pas accès à autant d’outils.
Ensuite, il faut saluer la qualité de l’encadrement dans certains milieux. Si l’on observe bien les statistiques, on se rend compte que les plus grands effectifs de candidats proviennent des grandes zones urbaines, notamment des départements de l’Ouémé, de l’Atlantique et du Littoral. L’Atlantique à lui seul a enregistré plus de quinze mille candidats admis sur dix-neuf mille présentés. L’Ouémé en compte plus de 10 000, et le Littoral en aligne 7 000. Les autres départements oscillent entre 5 000 et 1 000.
Quand on creuse davantage, on constate que parmi ces effectifs, figurent les enfants de cadres de l’administration, souvent inscrits dans des établissements privés. Dans ces écoles, le suivi est plus rigoureux. Des dispositifs d’accompagnement sont mis en place dès les vacances : séances de travaux dirigés dès le début de l’année, encadrement rapproché jusqu’à la veille des examens. Ces élèves bénéficient également de coachings réguliers, de discours de motivation qui les galvanisent au quotidien.
Les enseignants de ces établissements sont d’ailleurs mieux traités que ceux du public, tant sur le plan matériel que moral. Dans les établissements publics, où les effectifs sont plus restreints, rares sont ceux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Il suffit de consulter les résultats dans les séries techniques — majoritairement issues du public — pour constater l’ampleur de la catastrophe. Heureusement, ces effectifs sont relativement faibles. »
Ganiou Agnidé, acteur du système éducatif
« Le premier facteur, c’est l’encadrement du droit de grève »
« Avant, bravo à nos enfants qui ont massivement et brillamment réussi à cet examen. En mon temps, c’était moins de 30% et on croyait qu’un Bac obtenu avec un tel pourcentage exécrable nous ouvrirait les portes de la NASA. Revenons aux résultats du Bac 2025 pour en expliquer les fondements en 4 points.
1- Le premier facteur n’est pas à aller chercher loin. C’est l’encadrement du droit de grève. Les enfants qui viennent d’avoir le Bac 2025 n’ont jamais connu de grèves depuis leur entrée au cours secondaire. Autrefois, chaque année, il était normal de sacrifier 3 mois sur les 9 que compte l’année scolaire pour des grèves. Nous créions sans nous en rendre compte un génocide intellectuel chez nos enfants. L’école publique avait perdu toute crédibilité et on avait le sentiment que pour que nos gamins réussissent, il fallait les inscrire dans les écoles privées. En quelques années, avec cette mesure audacieuse du gouvernement, l’école publique aujourd’hui n’a plus rien à envier à celle privée. Tous les parents veulent désormais envoyer leurs enfants à l’école publique.
2- La deuxième raison évidente, c’est le nouveau système de recrutement des enseignants. Il est dénommé programme des Aspirants au Métier d’Enseignement (AME). En fait, les gens ne mesurent pas tout le bien que le gouvernement a fait à notre système éducatif en instaurant ce programme. Avant, nous avions la vacation. Et c’était un vrai bordel. Le recrutement des enseignants était confié aux chefs d’établissement avec son lot de népotisme, de corruption et de harcèlement. Des sociologues et des juristes étaient les grands enseignants de français dans nos classes, des géographes transformés en professeur d’anglais, des biologistes étaient des enseignants de matchs et de physique-chimie. Vous comprenez pourquoi je parlais de bordel. En gros, les chargés de cours n’avaient pas le profil des matières qu’ils enseignaient dans les classes. Tout ça, parce qu’on a donné 20.000f, 30.000f à un directeur, à un censeur, parce que c’est l’enfant de telle connaissance, c’est le protégé de l’acteur politique du coin, du député, du CA, du maire… Ou pis, parce qu’on dénouait le pagne de certaines jeunes dames, mariées ou non, dans des bureaux pour des faveurs sexuelles. L’aspiranat a réglé tous ces problèmes avec la constitution d’une base de données où on retrouve les bons profils pour enseigner chaque discipline et où l’État va puiser directement les enseignants qu’il déploie dans nos écoles.
3- Le troisième facteur qui explique ces bons résultats du Bac 2025, c’est la mise en œuvre d’EducMaster. C’est quoi EducMaster? C’est une plateforme électronique qui règle essentiellement deux problèmes. Le premier. Elle met définitivement fin à la fraude dans le système éducatif. Avant, il était courant de voir des parents payer pour qu’on fasse passer en classe supérieure leurs enfants qui avaient échoué. D’autres carrément allaient les inscrire dans des privés afin de leur éviter le redoublement. Cette réalité qui fausse le niveau des enfants une fois dans les classes d’examen, nous la connaissions tous. Et bien, aujourd’hui ce n’est plus possible ! Impossible de sauter de classe aux enfants ou de faire progresser frauduleusement un enfant. Les résultats scolaires de chaque enfant sont connus et suivis chaque année et le système verrouille tout contournement ou falsification. C’est dire que quand on a un enfant en Terminale, c’est parce qu’il a eu un cycle régulier et il en a réellement le niveau. Le second problème qu’EducMaster règle, c’est le contrôle des retards et des absences non justifiées des enseignants dans le système. Aujourd’hui, chaque enseignant est suivi et ses performances connues dans les détails, ceci avec un contrôle du niveau d’exécution des programmes scolaires.
4- Enfin, le dernier facteur qui explique ce taux de 73,02% au Bac 2025, c’est la subvention des travaux dirigés. Pour ceux qui connaissent les réalités du système éducatif béninois, ils savent que ce qui a toujours fait le succès des établissements privés dans ce pays, ce sont les travaux dirigés qui permettent une meilleure assimilation des notions enseignées aux enfants. Le gouvernement a donc décidé de prendre en charge les travaux dirigés dans les écoles publiques grâce aux subventions qui arrivent désormais à temps, ce qui permet d’optimiser les prétentions de succès.
Vous comprenez donc que les résultats obtenus au Bac 2025 ne sont pas le fruit d’un hasard. Ils sont la conséquence d’une gouvernance planifiée, rigoureuse, prospective du système éducatif. Et quand on sait d’où on est venu, il faut tirer un coup de chapeau à l’État pour avoir pris toutes ces mesures courageuses mais nécessaires. Évidemment, il y a des problèmes encore non réglés dans le système, notamment la question du reversement des AME en ACDPE et la formation continue des enseignants. Mais sortons de la culture de l’échec et sachons apprécier nos succès, aussi petits soient-ils. »
Modeste Kpotin, observateur
« Le calendrier scolaire est désormais respecté à la lettre »
« Aujourd’hui, de nombreux parents n’hésitent plus à investir massivement dans l’éducation de leurs enfants. Soutien scolaire, accompagnement quotidien, ambitions académiques : tout est mis en œuvre pour garantir un parcours sans faute. Dans ce contexte, il n’est donc pas surprenant que les résultats suivent. Ajoutons à cela une réforme majeure dans le secteur éducatif. Depuis près de dix ans, le gouvernement béninois a mis fin au droit de grève dans les établissements publics. Une décision controversée, certes, mais qui a permis de rétablir la stabilité dans les années scolaires. Le calendrier est désormais respecté à la lettre, les cours sont assurés sur toute la durée prévue, et les enseignants disposent même de temps pour des révisions structurées.
Les résultats du BAC 2025 apparaissent donc comme la conséquence logique de cet environnement plus propice à l’apprentissage. »
Quotidien Fraternité de ce 10 juillet 2025
« Les subventions des Travaux Dirigés ont joué un rôle »
« Cette performance encourageante pour cette session reflète les efforts des apprenants, enseignants, parents et institutions. D’abord, il est à noter qu’il y a eu 9 mois d’activités pédagogiques sans le moindre mouvement de grève. Mieux, cette promotion de la 6è en Tle n’a jamais connu de mouvements de débrayage, grâce à la loi N° 2018-34 du 05 octobre 2018 portant exercice du droit de grève en République du Bénin. Il n’y a que le gouvernement de la rupture qui puisse imprimer une telle rigueur, certes amère. Mais les fruits ont tenu la promesse des fleurs. Avec une telle dynamique, tous les acteurs se sont véritablement impliqués, surtout la reforme EducMaster. Cette plateforme électronique a permis de contrôler, avec détails, le moindre dérapage dans le système éducatif béninois. Plus d’absence non justifiée, plus de retard tant dans le rang des enseignants que des apprenants. Exit les faux bulletins !
Les performances de chaque enseignant sont connues au détail près. A cela s’ajoute la subvention des Travaux Dirigés aussi bien par l’Etat que par des acteurs politiques. Ayant compris que l’éducation est le socle du développement de la nation, ces acteurs ont investi considérablement dans le renforcement de ces apprenants soucieux de décrocher le premier diplôme universitaire. Plus frais, plus disciplinés et plus jeunes, ces apprenants ont su se laisser enseigner, puisque l’environnement leur a été favorable. »