La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) du Bénin célèbre ses 30 ans à travers un colloque international sur la régulation médiatique des élections à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle. Trois jours de réflexions à Cotonou, en présence de nombreux régulateurs africains.

Ce que vous devriez savoir : Du 10 au 12 juillet 2025, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) organise un colloque international à l’hôtel Azalaï de Cotonou. L’événement marque les 30 années d’existence de l’institution. Le thème choisi, « Régulation médiatique des élections à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle », illustre les nouveaux défis qui bousculent les mécanismes classiques de régulation. Les travaux ont été ouverts par la vice-présidente de la République, Mariam Chabi Talata, en présence de plusieurs figures de la vie politique et institutionnelle du Bénin, ainsi que de représentants des instances de régulation de plus d’une dizaine de pays africains.
Ce qui est important : Depuis sa création en 1994, la HAAC a assuré la régulation des médias lors d’une vingtaine de scrutins majeurs. Aujourd’hui, elle doit s’adapter à l’influence croissante du numérique et de l’intelligence artificielle, notamment en période électorale. Le président de la HAAC, Édouard Loko, l’a souligné. « Le régulateur est souvent lié au procès en partialité, en bâillonnement, en rigorisme et parfois aussi au procès en excès de déveillance par corporatisme », a-t-il affirmé. Il a rappelé les enjeux inédits posés par les technologies émergentes. « Il peut arriver par exemple qu’à l’issue de ces élections, nous ayons des résultats sortis par les algorithmes, nourris de fausses données, des résultats plus vrais que nature, publiés par les médias qui existent mais qu’eux même découvrirons après ce qu’ils ont publié », a signalé Edouard Loko.
Ce que disent les acteurs : Dans son discours d’ouverture, la vice-présidente Mariam Chabi Talata a situé ce colloque dans une perspective historique. « Après les indépendances, notre pays n’a connu ni le calme, la quiétude, la stabilité et la paix attendus de toute liberté. (…) Ce vide ou manque ne sera comblé qu’en juin 1994 avec la création et l’installation de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication », a-t-elle rappelé. Face à l’évolution du paysage informationnel, elle a lancé un appel à l’action. « Les instances de régulation des médias doivent alors s’outiller, se réarmer, se réinventer (…) Une remise en cause de nos postures passées, de perfectionnement, d’adaptation ou de changement s’impose alors aux instances régulatrices », a-t-elle insisté. De son côté, Me René Bourgoin, président de la HACA de Côte d’Ivoire et président en exercice du RIARC, a insisté sur l’importance du colloque. « Il représente pour nous, régulateurs de la communication, un véritable tournant dans notre quête collective de voir émerger une régulation forte, efficace, et surtout proactive dans un contexte électoral avec ses enjeux numériques », a-t-il indiqué. Il n’a pas manqué de faire une mise en garde contre les risques de désinformation. « Nous assistons en effet, de jour en jour, à une montée en flèche de la désinformation via les deepfakes (…) Le paysage médiatique est désormais traversé par des innovations technologiques qui peuvent menacer la démocratie », a signalé Me Bourgoin.
Entre les lignes : Au-delà des festivités du trentenaire, c’est un moment de repositionnement stratégique pour la HAAC. Dans un contexte marqué par des élections présidentielles à venir, l’institution entend affirmer sa pertinence à l’ère des réseaux sociaux, de l’IA générative, des algorithmes de manipulation et des deepfakes. La vice-présidente a réaffirmé l’engagement du gouvernement à soutenir la HAAC. « Nous nous engageons à procéder à la modernisation de la HAAC dans son ensemble, en la dotant progressivement d’outils technologiques modernes (…), en renforçant ses capacités opérationnelles… », a promis Mariam Talata. « L’Afrique, qui jusqu’ici, sous les grandes questions existentielles liées aux effets de progrès scientifiques et technologiques, est souvent restée à la crainte, doit à présent surprendre le monde par ses propres solutions innovantes, pertinentes et adaptées à nos réalités électorales. Nul ne le fera à notre place, nul n’y a d’ailleurs un quelconque intérêt, nous comptons donc sur vous et attendons beaucoup de ce colloque», a-t-elle laissé entendre avant de déclarer ouvert les travaux du colloque.
Augustin HESSOU