
Reporters sans frontières (RSF) dénonce une grave violation des droits des journalistes. Dans un communiqué publié à la suite de l’arrestation de l’activiste Hugues Comlan Sossoukpè, Reporters Sans Frontières (RSF) s’indigne de l’acte.
« RSF condamne avec la plus grande fermeté l’arrestation et la remise de Hugues Comlan Sossoukpè par les autorités ivoiriennes aux autorités béninoises, en violation manifeste de son statut de réfugié », affirme Arnaud Froger, responsable du bureau investigation de Reporters sans frontières. L’activiste fondateur du média d’investigation Olofofo, s’était exilé au Togo en 2019 après avoir dénoncé les conditions opaques des élections législatives de la même année au Bénin. Il y avait obtenu le statut de réfugié politique en novembre 2021, reconnu par les autorités togolaises. Pour RSF, il a été piégé par les autorités ivoiriennes.
Une invitation officielle… et un piège
L’ONG de défense des droits des journalistes à travers le monde, a pu recouper les conditions de son arrestation. Ainsi, rapporte-il, le 8 juillet 2025, Hugues Sossoukpè arrive à Abidjan à l’invitation du ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation pour couvrir un salon régional sur l’innovation digitale. Présenté comme un « journaliste reconnu de la sous-région », il s’installe à l’hôtel Palm Beach, un établissement lié au Fonds de prévoyance militaire ivoirien.
Mais dans la soirée du 10 juillet, tout bascule. Des policiers font irruption dans sa chambre. Il résiste brièvement, avant de suivre les forces de l’ordre sous la promesse d’une présentation devant un juge. Il ne sera jamais auditionné.
Salon d’honneur et expulsion express
Selon RSF, au lieu d’être conduit devant un magistrat, Hugues Comlan Sossoukpè est escorté vers le salon d’honneur de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, habituellement réservé aux hautes personnalités. Il y embarque à bord d’un avion privé Beechcraft 1900D, affrété pour l’occasion. À bord, seuls des policiers et des membres d’équipage.
Ce traitement exceptionnel contraste fortement avec son statut de réfugié politique, pourtant mentionné dans son passeport, que RSF a pu consulter. « Les autorités ivoiriennes se sont rendues manifestement complices de la persécution bien établie d’un reporter », s’indigne RSF, qui s’interroge sur les motivations réelles d’une telle opération.
Prison à Ouidah
Arrivé à Cotonou à 22 heures, le journaliste est immédiatement placé en garde à vue à la brigade économique et financière. Le lendemain, il est présenté à un juge d’instruction de la CRIET (Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme). Trois charges sont retenues contre lui :
- Harcèlement par le biais d’un système informatique
- Rébellion
- Apologie du terrorisme
Il est ensuite transféré à la prison de Ouidah.
« Je me sens piégé »
Selon son avocat, Me Serge Pognon, Hugues Sossoukpè « se porte bien mais dit se sentir piégé par la Côte d’Ivoire ». Il avait récemment confié à RSF faire l’objet de menaces récurrentes, y compris au Togo. Son média Olofofo avait d’ailleurs été interdit au Bénin en mars dernier.
Ce média s’était illustré ces dernières années par des enquêtes critiques sur le pouvoir béninois. Depuis l’exil, l’activiste continuait de dénoncer, notamment sur les réseaux sociaux, les atteintes à la liberté de la presse et à la démocratie au Bénin.
Silence officiel et préoccupations grandissantes
Contacté par RSF, Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement béninois, s’est limité à indiquer que l’activiste aurait à répondre des faits reprochés. Du côté ivoirien, Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement, est resté silencieux.
Pour RSF, cette affaire marque une dérive inquiétante : « La coopération bilatérale ne doit pas être détournée à des fins de répression transfrontalière contre les professionnels de l’information », conclut l’organisation, qui appelle à la libération immédiate de l’activiste. Il envisage des actions pour faire toute la lumière sur cette extradition.
Olivier ALLOCHEME