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Edito du 18 août 2025 : Entre droit et politique

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Le débat autour de « l’auto-parrainage » des députés candidats à l’élection présidentielle prend des allures de querelle dogmatique, au point de brouiller les repères du droit électoral béninois. Entre vérité juridique et manœuvres politiques, il est urgent de rappeler ce que dit la loi, ce qu’elle ne dit pas, et ce que d’autres pays – notamment la France – ont choisi de faire.

Le texte béninois : clair dans son silence

L’article 132 nouveau de la Loi n°2024-13 du 15 mars 2024, portant Code électoral, fixe les conditions de recevabilité d’une candidature présidentielle. Parmi elles figure le parrainage : tout duo candidat doit obtenir l’appui d’au moins 15 % des députés et/ou maires, issus d’au moins trois cinquièmes des circonscriptions électorales. Le même article précise qu’« un député ou un maire ne peut parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu ».

Mais le législateur s’arrête là. Nulle part, il n’interdit expressément à un député ou à un maire candidat de signer lui-même sa propre fiche de parrainage. L’absence de prohibition vaut autorisation : quod lege non prohibitum, licitum est. En d’autres termes, si le texte ne dit pas non, le droit dit oui.

La comparaison avec la France : une transposition abusive

C’est ici qu’intervient la confusion entretenue dans certains cercles. En France, le système de parrainage des élus a connu une réforme récente. La loi organique n°2024-249 du 21 mars 2024 interdit désormais à un élu de se parrainer lui-même. Le texte français est clair, volontaire et restrictif.

Mais cette disposition n’a pas été reprise dans le droit béninois. Y faire référence pour tenter de l’appliquer au Bénin est un abus de transposition. On ne peut plaquer mécaniquement un choix normatif français sur le droit béninois sans modification législative expresse. L’analogie peut éclairer, mais elle ne peut se substituer à la règle de droit nationale.

Une question politique avant d’être juridique

En vérité, le cœur du débat est moins juridique que politique. Le mécanisme du parrainage vise à tester la représentativité d’un candidat : il suppose que celui-ci soit capable de rassembler un minimum d’élus autour de lui. Un auto-parrainage, bien que légal, peut paraître contraire à « l’esprit » de la règle. Car être son propre garant n’apporte aucune preuve de crédibilité politique.

Cependant, il faut distinguer le droit de l’éthique politique. L’un se fonde sur la lettre des textes, l’autre sur l’interprétation des intentions du législateur. En droit strict, rien n’empêche un député de s’auto-parrainer. En politique, cette pratique pourrait être critiquée comme un artifice révélateur d’isolement. Le problème même au sein du parti Les Démocrates est d’ordre politique : pourquoi les candidats potentiels ne démissionneraient-t-ils pas à temps de l’Assemblée nationale pour que leurs suppléants puissent les parrainer sans problème ? Cette option annihile toute polémique et empêche la CENA ou à la Cour d’avoir à interpréter la loi selon leur bon-vouloir. 

Les risques d’une interprétation créative

Mais si la Commission électorale nationale autonome (CENA) ou la Cour constitutionnelle décidaient d’écarter une candidature au motif d’« auto-parrainage », elles s’exposeraient à agir contra legem. En démocratie, l’organe d’application ne peut inventer une restriction absente du texte. C’est au législateur, et à lui seul, de combler ce qui peut paraître comme une lacune.

Introduire subrepticement une interdiction qui n’existe pas, sous prétexte de convenance politique, serait dangereux pour la sécurité juridique et la crédibilité des institutions. La règle de droit perdrait alors sa prévisibilité et ouvrirait la voie à l’arbitraire.

Pour un débat honnête

La polémique actuelle traduit moins une lecture rigoureuse du Code électoral qu’une instrumentalisation politique. Elle vise à occuper l’espace public, à diviser l’opinion et à déstabiliser l’opposition. Or, la clarté juridique doit prévaloir : au Bénin, l’auto-parrainage est légal parce qu’il n’est pas interdit. Si le pays veut en changer, il revient à l’Assemblée nationale de le décider par une modification explicite du Code électoral.

Aujourd’hui, un député candidat à la présidentielle peut s’auto-parrainer en toute légalité. Ce choix peut être contesté politiquement, mais il ne peut être disqualifié juridiquement. Importer sans discernement la réforme française dans le débat béninois est une erreur intellectuelle et un danger pour l’État de droit.

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