Publié en juillet 2025, le rapport « Reassessing the Role of Special Economic Zones in Africa » de l’Agence française de développement (AFD), signé par plusieurs experts comme Simon Azuelos, Sid Boubekeur, Julien Gourdon, Peter Kuria Githinji, Cecília Hornok, Alina Mulyukova et Zakaria Ouari, offre une analyse fouillée de plus de 230 zones économiques spéciales (ZES) réparties dans 43 pays africains. Parmi elles, la Zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ) au Bénin retient particulièrement l’attention, tant par ses ambitions que par ses premiers résultats.

Les auteurs rappellent que les ZES visent à « faciliter l’investissement, stimuler les exportations et créer de l’emploi par des incitations fiscales, une réglementation simplifiée et des infrastructures adaptées ». Mais au-delà de cette définition classique, la GDIZ incarne une mutation plus profonde : elle mise sur la transformation locale des matières premières, notamment le coton, plutôt que sur la simple exportation de produits bruts.
Selon le rapport, « les zones de nouvelle génération, dont la GDIZ est un exemple en Afrique de l’Ouest, intègrent les principes ESG et s’inscrivent dans les dynamiques de la ZLECAf ». L’État béninois et son partenaire privé ARISE IIP ont en effet choisi un modèle de gouvernance en partenariat public-privé (PPP), jugé plus performant que la gestion purement publique.
Des retombées économiques et sociales mesurables
Le rapport souligne que la proximité d’une ZES comme Glo-Djigbé génère des effets concrets sur le bien-être des ménages : « Les foyers vivant à moins de dix kilomètres d’une zone connaissent une hausse significative de leur patrimoine, un meilleur accès aux services et une amélioration de la qualité du logement ».
Dans le cas béninois, plus de 100 PME locales bénéficient déjà d’un financement vert lié aux obligations de développement durable émises par l’État. Cette innovation financière a permis de lever 80 millions de dollars pour la centrale solaire d’Illoulofin (50 MW), garantissant une énergie fiable à la zone et contribuant à réduire son empreinte carbone.
L’impact sur l’emploi reste contrasté. Si la GDIZ attire une main-d’œuvre jeune et favorise la formation technique, le rapport constate, à l’échelle continentale, que « la création d’emplois féminins demeure limitée, freinée par la structure sectorielle dominée par l’agro-industrie et les contraintes sociales ». Le défi de l’inclusion reste donc entier.
Exporter mieux, mais pas encore ensemble
Les résultats commerciaux sont encourageants. Les chercheurs notent que « les ZES africaines améliorent la sophistication technologique des exportations et l’accès à de nouveaux marchés, mais leur contribution à la diversification des produits reste limitée ».
Pour Glo-Djigbé, cela se traduit par une montée en gamme dans le textile et l’agro-industrie, avec des débouchés en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, comme le souligne le rapport, « les flux demeurent orientés vers les marchés extra-continentaux, avec peu de connexions régionales ». Le risque est donc celui d’un « îlot industriel isolé » plutôt qu’un moteur d’intégration ouest-africaine.
Gouvernance et recommandations
L’étude insiste sur l’importance du modèle institutionnel. Elle constate que « les zones gouvernées par le secteur privé ou en partenariat public-privé affichent de meilleurs résultats en matière de diversification et de pénétration des marchés que celles gérées exclusivement par l’État ». La GDIZ illustre cette tendance en combinant vision stratégique de l’État béninois et expertise opérationnelle d’ARISE IIP.
Pour pérenniser ces acquis, les auteurs formulent trois recommandations majeures :
- Renforcer l’intégration régionale via la ZLECAf pour éviter que la GDIZ ne soit uniquement tournée vers l’extérieur.
- Accélérer la formation professionnelle, notamment pour les femmes et les jeunes, afin de maximiser l’impact social.
- Soutenir l’écosystème des PME locales, en facilitant l’accès au financement et à l’innovation, pour que la zone devienne un véritable pôle d’industrialisation partagée.
Pour les auteurs « les ZES africaines ne sont pas des baguettes magiques, mais elles peuvent devenir de puissants accélérateurs lorsqu’elles sont bien conçues, bien gouvernées et intégrées dans une stratégie cohérente ». La GDIZ, par son modèle de gouvernance, son financement innovant et sa volonté de transformer localement les matières premières, apparaît déjà comme un laboratoire africain de cette nouvelle génération de zones industrielles.
Olivier ALLOCHEME