
Dans moins de trois mois, Ouando va connaître sa révolution commerciale. Le nouveau marché urbain, véritable cathédrale du commerce avec ses 3800 places de vente et 160 boutiques, s’apprête à accueillir ce qui constituera la plus grande concentration de commerçants du Bénin. Un projet titanesque qui soulève autant d’espoirs que d’interrogations chez les futurs occupants.
« Je n’arrive pas encore à y croire », confie Adjoua, vendeuse de légumes au marché actuel de Ouando depuis quinze ans. « Passer de ma petite place sous les intempéries à un espace couvert avec l’électricité et l’eau courante, c’est comme passer du village à la ville. » Cette transformation, des milliers de commerçants de Porto-Novo l’attendent avec impatience et appréhension.
Une infrastructure qui change la donne
Les chiffres donnent le vertige : 23 milliards de francs CFA investis sur 3,5 hectares, neuf bâtiments à étage reliés par des passerelles, deux chambres froides, trois monte-charges. Mais au-delà des statistiques, c’est tout un écosystème commercial qui se dessine. Fini les marchandises qui pourrissent sous la pluie, terminés les problèmes d’éclairage nocturne. Le transformateur de 600 KVA et son groupe électrogène de secours promettent une alimentation électrique continue.
« C’est la modernité qui arrive enfin chez nous », explique Fabrice Babatounde, chef de projet SIRAT, en guidant la visite officielle de mardi dernier. « Nous ne construisons pas seulement un marché, nous créons les conditions d’une économie plus performante. »
L’infrastructure dépasse largement ce qui existe ailleurs. Avec ses 6661 mètres carrés d’espaces paysagers et de parking, ses dix rues pavées en périphérie, Ouando se positionne comme le fleuron des 35 marchés du programme national – seul le marché de gros d’Abomey-Calavi le rivalise en taille.
Entre enthousiasme officiel et préoccupations pratiques
Lorsque le Président de l’Assemblée nationale Louis Gbèhounou Vlavonou découvre le chantier dans l’ après-midi de ce mardi 26 août 2025, c’est l’émerveillement. « Extraordinaire », répète-t-il. Domicilié dans le quartier, il observe quotidiennement l’évolution des travaux depuis sa fenêtre mais découvre pour la première fois l’ampleur réelle du projet.
« Voir le Chef de l’État réserver à Porto-Novo ce qu’il y a de plus grand, cela met fin aux rumeurs sur la négligence de la capitale », se félicite-t-il. Le maire Charlemagne Yankoty abonde dans le même sens, y voyant « une vision futuriste pour les conditions de travail des femmes commerçantes ».
Mais sur le terrain, les questions pratiques foisonnent. Qui aura droit aux meilleures places ? Comment s’effectuera le transfert depuis l’ancien marché ? Les tarifs seront-ils accessibles aux petites vendeuses ?
L’équation délicate de la transition
Marie-Claire, qui vend du poisson séché depuis vingt ans, s’inquiète : « Mes clients me connaissent à ma place actuelle. Si on me met au deuxième étage du nouveau marché, est-ce qu’ils me retrouveront ? » Une préoccupation partagée par beaucoup, car le succès commercial dépend souvent de l’emplacement et des habitudes de la clientèle.
Les autorités municipales préparent un plan de transition, mais les détails restent flous. « Il faudra accompagner nos commerçants dans ce changement », reconnaît un responsable municipal qui préfère garder l’anonymat. « C’est un défi logistique majeur. »
Un symbole qui va au-delà du commerce
Pour Louis Gbèhounou Vlavonou, la symbolique dépasse l’aspect purement commercial. L’achèvement du marché coïncidera avec celui du nouvel hémicycle du Parlement, également en construction à Porto-Novo. « Deux projets majeurs qui donneront à la capitale toute son envergure », souligne-t-il.
Cette synchronisation n’est pas fortuite. Elle illustre la volonté affichée du président Talon de redynamiser Porto-Novo, longtemps éclipsée par Cotonou dans l’activité économique. Le nouveau marché pourrait créer directement et indirectement plusieurs milliers d’emplois, des gardiens aux transporteurs en passant par les services annexes.
Un modèle à suivre ?
Le marché de Ouando servira de test grandeur nature pour les autres projets similaires. Son succès conditionnera l’adhésion des populations aux futurs aménagements urbains. « Si cela marche ici, avec 4000 occupants, nous aurons prouvé que notre modèle fonctionne », confie un technicien du projet.
Les enjeux dépassent Porto-Novo. C’est toute la philosophie de modernisation des infrastructures commerciales béninoises qui se joue dans ces bâtiments en finition. Entre tradition et modernité, entre attentes populaires et ambitions officielles, le marché de Ouando s’apprête à écrire une nouvelle page de l’histoire économique de la capitale.
Fidèle KENOU