
C’est un succès qui restera dans les annales. Sans avoir eu un répétiteur comme d’habitude, Ford Kossi Germain Tohouénou du collège privé Academia de Parakou, est devenu premier du Bénin au Bac 2025 avec une moyenne de 18,66 sur 20. Pour certains, c’est une réussite peut-être banale : l’année dernière, le premier du Bénin a bien obtenu 19,04. Mais il suffit d’écouter le champion de cette année pour savoir que sa réussite n’a rien d’ordinaire.
Ordinairement, en effet, nous avons tous l’habitude de prendre des répétiteurs pour nos enfants. Et c’est légitime : la compétition scolaire est devenue féroce. Mais pas seulement. Il y a surtout l’impératif de l’excellence. Les meilleures moyennes assurent à nos enfants d’avoir accès aux meilleures universités pour de bonnes formations. La plupart du temps, prendre des répétiteurs aux enfants, n’est plus un choix, mais une nécessité. On sait que l’efficacité de cette approche n’est pas garantie, si l‘enfant lui-même n’a pas un certain potentiel de départ.
Et donc ces dernières années, les premiers du Bénin au Bac ont presque systématiquement bénéficié de cet accompagnement personnalisé qui leur permet d’avoir des résultats exceptionnels. Tel n’a pas été le cas de Ford Kossi Germain Tohouénou. On aura compris que ses conditions de vie modestes ne permettent pas à ses parents de lui payer cet accompagnement. Comme on peut l’imaginer, les répétiteurs coûtent cher, surtout pour les classes terminales, et notamment dans les matières scientifiques. Les enseignants montent rapidement les enchères et les meilleurs d’entre eux ne badinent pas sur ce sujet. La question est donc de savoir comment Ford Kossi Germain Tohouénou a pu faire pour damer le pion à tous les autres candidats, dans les conditions pénibles que l’on a vues.
Ce jeune homme est carrément un authentique génie. Pas seulement. Il a une discipline de fer et un mental d’acier. Il y a quelques années, on avait convaincu un génie comme lui qu’il pouvait être parmi les premiers au Bac. Les répétiteurs avaient mis le paquet, les parents étaient convaincus que leur enfant pouvait faire des merveilles. Au beau milieu de l’année scolaire, le candidat a commencé à se plaindre de maux de ventre. Examens dans tous les sens, consultations dans les meilleures cliniques de Cotonou…Rien n’a été découvert. Mais, curieusement, après l’examen, tous les maux ont disparu comme par enchantement. Ce sont des signes clairs d’un trouble psychosomatique probablement issu de la forte pression exercée sur l’enfant par les exigences et les attentes de son entourage.
Dans le cas du champion de cette année, il s’avère qu’il est resté zen jusqu’au bout. Il faut saluer à cet égard l’accompagnement psychologique de son directeur qui a joué sans doute le rôle de décompresseur. Ce ne sont pas seulement les conseils qui comptent, mais les mots d’apaisement et d’encouragement. Ils dopent le moral des génies. Le problème, c’est que ce genre de personne abrite souvent de grands maux, de grands déséquilibres mentaux dont les manifestations peuvent être désastreuses. Ne le souhaitons à personne, mais la ligne séparant le génie pur de la folie irrécupérable est très fragile. Les vrais génies souvent sont des fous qui subliment leurs cauchemars dans une intelligence hors normes. Si souvent qu’une bonne partie de ceux qui pourchassent les hauts sommets intellectuels se retrouvent dans des asiles psychiatriques, du fait d’un accompagnement inadéquat. Il suffit d’une petite susceptibilité pour qu’ils explosent !
C’est pourquoi je prends pour un véritable exploit la performance exceptionnelle de Ford Kossi Germain Tohouénou. Il fera immanquablement parler de lui dans les milieux scientifiques tôt ou tard. A condition qu’il bénéficie d’un bon encadrement universitaire.