
J’ai toujours été intrigué par une question : qu’est-ce qui fait que certains enfants paraissent très peu intelligents ? Qu’est-ce qui donc est à la base de la faiblesse impressionnante de leur quotient intellectuel ? Depuis quelque temps, le gouvernement a semblé répondre à cette interrogation : c’est la nutrition aux 1000 premiers jours de l’enfant. C’est dans ce cadre qu’il a organisé la 1ère Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN2025) qui s’est achevée hier. En plaçant la nutrition au cœur du développement durable, le pays engage un débat crucial : celui du lien direct entre alimentation, capacités cognitives et avenir des nations.
Les experts le répètent : les « 1000 premiers jours », de la conception jusqu’aux deux ans de l’enfant, sont une période critique. C’est là que se forment les organes, que s’installe le système immunitaire et surtout que se constitue le capital cognitif. Selon l’UNICEF, une mauvaise alimentation durant cette phase peut réduire de 20 % le QI d’un enfant et compromettre à jamais sa capacité à apprendre et à s’adapter. À l’échelle d’un pays, cela se traduit par une main-d’œuvre moins qualifiée, une productivité plus faible et un frein durable à la croissance.
Les chiffres sont implacables : la Banque mondiale estime que la malnutrition infantile peut coûter jusqu’à 3 % du PIB d’un pays chaque année. Dans certaines régions d’Afrique subsaharienne, la prévalence du retard de croissance atteint encore 30 à 40 % des enfants de moins de cinq ans. Autant dire que la bataille pour le développement se gagne ou se perd dans l’assiette des tout-petits.
Le Bénin l’a compris. En confiant le Programme de supplémentation nutritionnelle des 1000 premiers jours à l’Agence nationale pour l’alimentation et la nutrition (ANAN), rattachée à la Présidence, le gouvernement a choisi la transversalité. Car la nutrition ne relève pas du seul ministère de la Santé. Elle interpelle l’éducation, les affaires sociales, la gouvernance locale et même les finances publiques.
Déjà, treize communes pilotes bénéficient d’une distribution progressive de suppléments en fer, vitamine A et farine enrichie.
À l’échelle nationale, les différences entre les enfants bien nourris et les autres deviennent structurelles. Des cohortes entières d’étudiants moins performants, de travailleurs moins productifs et d’adultes plus vulnérables aux maladies chroniques pèsent lourdement sur le capital humain. Le cercle vicieux de la pauvreté s’en trouve renforcé.
À l’inverse, investir dans la nutrition des 1000 premiers jours crée un rendement économique supérieur à 16 dollars pour chaque dollar investi, selon la Banque mondiale. Autrement dit, nourrir un enfant aujourd’hui, c’est préparer un étudiant performant demain et un citoyen productif après-demain.
Le discours du Chef de l’État béninois à la CIN2025 résonne comme un appel à l’action collective : « Nourrir nos enfants n’est pas une option, c’est un impératif. » Derrière cette conviction se cache une vision : celle d’une Afrique qui mise sur son capital humain pour réduire la pauvreté et rattraper son retard sur les pays développés.
Dans un monde où la compétitivité se mesure de plus en plus à l’aune de la créativité, de l’innovation et de la capacité à résoudre des problèmes complexes, les États africains ne peuvent se permettre de sacrifier le potentiel cognitif de leurs futures générations. La nutrition n’est donc pas seulement une question de santé publique : c’est un levier stratégique de développement économique et social.
En organisant cette conférence internationale, le Bénin envoie un signal fort : l’Afrique n’est pas condamnée à subir les conséquences de la malnutrition. Elle peut devenir force de proposition et modèle en matière de politiques nutritionnelles intégrées. La voie est tracée : il faut amplifier, généraliser et pérenniser ces programmes pour que chaque enfant, où qu’il naisse, ait les mêmes chances de déployer tout son potentiel cognitif.
Olivier ALLOCHEME
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