Dans une réflexion empreinte de lucidité et d’humanité, l’Ambassadeur Candide Ahouansou alerte sur la précarité croissante que connaissent les retraités de la Fonction publique béninoise. Réagissant à un entretien d’un professeur à la retraite devenu viral sur les réseaux sociaux, il dénonce l’indifférence des pouvoirs publics envers ceux qui ont servi l’État toute leur vie. L’ancien diplomate invite les autorités à repenser la place des aînés dans les politiques sociales, soulignant que la jeunesse ne saurait être valorisée durablement sans reconnaissance de ceux qui l’ont précédée. Son plaidoyer pour plus d’équité et de dignité résonne comme un appel à la conscience nationale. Lisez ci-dessous l’intégralité de sa réflexion.

Quête de traitement proportionné et d’équité : la jeunesse et la vieillesse
LA PROBLEMATIQUE DES SANS VOIX QUE SONT LES RETRAITÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE
C’est un récent interview d’un professeur d’université à la retraite qui a circulé sur les réseaux sociaux, traitant de la situation précaire des retraités de la Fonction Publique béninoise qui m’a conduit à la présente réflexion. Je la mène volontiers d’autant que le 1er Octobre célébrait la journée internationale des personnes âgées.
Ma réflexion est en fait un appel de détresse que les autorités centrales à qui nous avons donné procuration pour gérer le pays et les intérêts des citoyens dans la plus grande justice possible, voudront bien me permettre de leur lancer. Je leur demanderais de souffrir que je leur soumette un sujet qui, de mon point de vue, ne paraît pas retenir suffisamment leur attention. Il y est question de la situation des retraités de la Fonction Publique dont je fais partie. Je formule donc mes observations et mes doléances en parfaite connaissance de cause.
MES QUESTIONNEMENTS
Sans plus de circonlocution, je pose les questions suivantes : Pourquoi les retraités ne sont – ils jamais au cœur des programmes des autorités politiques. Pourquoi sont-ils laissés pour compte. Pourquoi l’Etat ne leur reconnaît -il pas d’une manière ou d’une autre, le rôle déterminant qu’ils ont eu à jouer dans la nation toute leur vie professionnelle durant et qu’ils continuent de jouer indirectement bien que mal perçu. Pourquoi les autorités politiques n’ont-elles d’yeux que pour les jeunes dans leurs programmes et leurs campagnes électorales. Au total pourquoi les problèmes des retraités sont-ils le cadet de leurs soucis ? Je pose des questions mais les réponses y relatives sont claires dans mon esprit. Les retraités sont ainsi traités
- D’abord parce qu’ils sont administrativement gérés par beaucoup plus jeunes qu’eux. J’entends autorités politiques comme hauts cadres en exercice dans les cabinets des ministères de la Fonction Publique. Lorsque l’on se retrouve dans des conditions comme les leurs, l’on ne peut ressentir ni comprendre aisément la situation de ceux que l’on gère. Les autorités politiques, parce qu’elles sont nettement à l’abri de quelque manque matériel que ce soit et qu’ils ne peuvent appréhender les problèmes de ceux qui sont dans le besoin si ce n’est par transcendance et générosité. Les hauts cadres qui sont sensés les conseiller, parce qu’ils ne comprennent pas encore que la jeunesse a une fin. Il est vrai que c’est la vie et l’expérience que l’on en a qui enseignent que pour comprendre vraiment une situation, il faut l’avoir vécue. Et pourtant pour mériter de diriger un pays, l’on devrait pouvoir être à même de se faire violence et se mettre d’emblée dans la peau de ceux que l’on s’est engagé à gérer.
- Par ailleurs, les autorités estiment qu’il est politiquement plus rentable pour elles de miser toutes leurs cartes sur la jeunesse, mais elles ne sont qu’à côté de la vérité. C’est objectivement vrai que la jeunesse est, de par sa nature, dynamique et pleine d’entrain. Il est vrai que c’est elle qui porte en puissance les innovations que requiert tout développement. C’est elle le fer de lance de notre évolution. Mais la jeunesse provient bien de quelque part ; elle émane de parents aujourd’hui atteints par la vieillesse tout comme la jeunesse en sera atteinte quand viendra le moment. Une lapalissade comme dirait l’autre. La vie est un cycle dont les différents paramètres devraient être traités non pas de manière égale, nous en convenons en l’occurrence, mais de manière convenable et avec dignité uniformément. Les retraités ne devraient pas être rangés dans les placards en attendant qu’ils s’éteignent tout simplement sous le prétexte qu’ils ne possèdent plus la verdeur des jeunes. Ils n’ont plus cette verdeur certes, mais ils ont l’expérience encore utile pour leurs enfants et pour l’Etat bien des fois.
- La jeunesse est devenue un fonds de commerce pour les hommes politiques c’est- à- dire une entité dont ils se servent pour étoffer leur clientèle. En effet, il n’y a pas thème plus rassembleur que la jeunesse. Il est séducteur, fédérateur et prometteur tout à la fois. Jeunes et moins jeunes toutes catégories sociales confondues ainsi que parents y trouvent leur compte. Les jeunes y voient la promesse d’un lendemain meilleur et les parents, un espoir pour l’avenir de leurs enfants. Le thème vise l’espoir et les politiciens savent bien que l’espoir fait vivre. Alors, ils l’utilisent à tour de bras.
LES RETRAITÉS NE DEVRAIENT PAS ETRE MIS AU BAN DE LA SOCIÉTÉ
En effet, ils restent dans bien des domaines des auxiliaires de l’Etat quand bien même leur apport serait banalisé. J’ai, à maintes occasions attiré l’attention sur cet état de chose. Mon dernier article y relatif porte. ‘’Contribution des seniors au développement économique du pays ’’. Je rappelais entre autres que se sont eux qui soutiennent leurs enfants en continuant de les héberger et de les nourrir tant qu’ils n’ont pas trouvé du travail. Des retraités créent des entreprises et recrutent des jeunes allégeant ainsi les charges de l’Etat. Au reste, ce sont eux qui assurent le transfert des connaissances. Ils sont pourtant laissés pour compte.
Tout laisse à penser qu’il en est ainsi parce qu’ils n’ont plus la force de manifester et de se faire entendre. Politiquement, ils ne sont plus un risque de pression pour quiconque. Ils ne peuvent plus descendre dans la rue ; ils ne peuvent plus troubler l’ordre public. Ils sont devenus inoffensifs et ne représentent plus aucun danger pour l’Etat. Et ce n’est pas trop dire que de relever que les politiciens tirent parti de tout cela sans état d’âme aucun.
LE RETRAITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE N’EST PAS FIER DE SA PERSONNE
Au lieu d’un moment de repos bien mérité, la retraite s’avère un cauchemar pour la plupart de ceux qui y sont admis. Le niveau de vie baisse drastiquement alors qu’il ne devrait pas en être ainsi. Les enfants sont peut-être encore à l’université. La santé se détériore inexorablement alors que les factures de médicaments que ne couvrent pas la police d’assurance maladie de l’Etat grimpent sans arrêt. L’Etat exige des retraités qui peinent déjà à survivre, le paiement d’impôts sur la maison qu’ils habitent, et ainsi de suite. Sous nos cieux, le retraité qui n’a de ressource que sa pension de vieillesse se paupérise et s’éteint à petits feux. Acculé à vivre chichement, il se voit contraint de réduire sa consommation plus qu’il ne faut pour vivre dignement. L’Etat devrait comprendre cette situation du retraité et la prendre à bras le corps. Il ne devrait pas continuer de l’ignorer.
MAIS ON NE PEUT JETER LE BEBE AVEC L’EAU DU BAIN
L’Etat s’est tout de même occupé des retraités ces derniers temps. – Il a pris des mesures afin que les pensions soient payées dès le premier mois suivant la retraite -. Les paiements se font désormais par virement bancaire ou par transfert sur portable mettant ainsi fin au calvaire des longues file d’attente aux guichets du Ministère des Finances.
- Les pensions ont été relevées en janvier 2023.
MES DOLEANCES
Eu égard à toutes les considérations exposées ci-dessus, je propose que l’Etat accorde une bourse universitaire pleine aux enfants des retraités. Cet avantage sera limité en termes de nombre et de durée. Je propose également qu’une indemnité spéciale soit accordée aux retraités en raison des services qu’ils continuent de rendre à l’Etat. Cet avantage sera limité dans la durée. Je suggère la prise en charge des médicaments en situation d’hospitalisation dans les formations agréées par l’Etat. Je suggère enfin l’exonération de l’impôt immobilier. Il va sans dire que mes propositions ne concernent pas les fonctionnaires qui ont commis l’indélicatesse d’avoir mis les mains dans les caisses de l’Etat. Le développement d’un pays se devant d’être linéaire et non pas en dents de scie, le hautement social initié par l’actuel locataire de la Marina a du pain sur la planche pour celui qui va lui succéder.
Ambassadeur Candide Ahouansou