
Dans une salle feutrée du Qatar, sous l’égide de médiateurs internationaux, le gouvernement congolais et les rebelles du M23 ont signé samedi une Déclaration de principes visant à mettre fin à des décennies de conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Un geste symbolique, mais dont l’interprétation diffère déjà entre les parties, illustrant les défis à venir.
Le document prévoit la « restauration de l’autorité de l’État » dans les zones contrôlées par les rebelles, ainsi qu’un échange de prisonniers. Pour le ministre qatari Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, cet accord « ouvre la voie à des négociations directes ».
Pourtant, les versions divergent. Le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, insiste sur le « retrait non négociable » du M23, suivi d’un déploiement des forces loyalistes. À l’inverse, Bertrand Bisimwa, chef rebelle, affirme sur X qu’il ne s’agit « pas d’un retrait, mais de mécanismes pour renforcer l’État ». Lawrence Kanyuka, porte-parole du M23, est encore plus clair : « Nous sommes à Goma avec la population, et nous ne partirons pas. »
Un conflit aux racines profondes
Soutenu par le Rwanda, le M23 est le plus redoutable des plus de 100 groupes armés qui se disputent l’Est congolais, riche en minerais. Le conflit a déplacé 7 millions de personnes, qualifié par l’ONU de « l’une des crises humanitaires les plus complexes au monde ».
La déclaration de Doha fait écho à l’accord de paix signé en juin entre la RDC et le Rwanda sous médiation américaine. Parmi les points clés : le retour des réfugiés et la neutralisation » des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe accusé par Kigali d’avoir participé au génocide de 1994.
Scepticisme et attentes des populations locales
À Goma, épicentre de la crise, l’annonce a été accueillie avec méfiance. « On ne peut pas construire la paix sans justice ni réparation », lance Amani Muisa, un habitant. Beaucoup craignent que l’accord n’occulte les crimes commis depuis des années.
Les analystes restent prudents. « Tout dépendra des concessions que Kinshasa acceptera », souligne un diplomate sous couvert d’anonymat. La question du retrait des troupes rwandaises – dénoncées par l’ONU mais niées par Kigali – sera également cruciale.
Une échéance fixée… mais des doutes persistants
Un accord final doit être signé avant le 18 août. Massad Boulos, conseiller de Donald Trump présent à Doha, a salué « une avancée », tout en rappelant que « le contrôle étatique sur les zones rebelles est non négociable ».
Reste à savoir si les mots se traduiront en actes. Dans une région où les promesses de paix ont souvent échoué, la population, elle, attend des preuves.
Olivier ALLOCHEME