
C’est dans une ferveur maîtrisée, devant une foule compacte réunie au stade omnisport de Parakou, que le duo Romuald Wadagni – Mariam Chabi Talata a été officiellement investi par les quatre grandes formations politiques de la majorité présidentielle. L’événement a eu lieu ce samedi 4 octobre 2025 devant les présidents des 4 grands partis de la mouvance présidentielle ainsi que leurs militants et sympathisants : l’Union Progressiste le Renouveau (UP-R), le Bloc Républicain (BR), Renaissance Nationale (RN) et Moele-Bénin. Ce fut une cérémonie solennelle, rythmée par des discours denses où se sont conjuguées fidélité, unité et continuité. Mais au-delà de la mise en scène politique, le candidat Wadagni a imposé une image claire : celle du technocrate méthodique devenu homme d’État, ancrant son discours dans la mémoire personnelle et la symbolique nationale.
En choisissant Parakou pour cette investiture, Wadagni a posé un acte fort. L’ancien ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances, dans une tonalité intime et émue, a replongé dans son enfance : celle des routes poussiéreuses parcourues en « 404 bâchée » avec son père, alors directeur départemental du Plan du Borgou. Ce récit autobiographique n’était pas anecdotique : il érige Parakou en symbole de la transformation du Bénin. « En revoyant cette ville transformée, je mesure le chemin parcouru par notre pays », a-t-il déclaré. Sa trajectoire personnelle est suggérée comme une métaphore du progrès national.
L’usage du lieu n’est donc pas neutre. Parakou devient la scène où s’articulent trois dimensions du message wadagnien : le souvenir personnel, la continuité politique et la projection nationale. Le technocrate, enfant du Borgou, s’y réapproprie un territoire qui symbolise l’unité géographique du pays et son ouverture vers le septentrion, comme pour dire : le progrès vient de partout, et appartient à tous. Autre chose : il sait très bien que cette ville est une place forte de l’opposition. Venir y démarrer sa marcher vers 2026, constitue une manière de campagne et une avance sur cette opposition.

Un technocrate qui se mue en homme d’État
Tout au long de son allocution, Romuald Wadagni s’est positionné dans la continuité du « modèle Talon », mais en lui donnant une coloration plus technocratique et inclusive.
Sans présenter encore de programme, il a insisté sur deux convictions : la clarté de la vision et la force de l’unité nationale.
« Les défis sont connus, les axes de résolution sont planifiés », a-t-il assuré, dans une rhétorique de maîtrise et d’expertise qui évoque le gestionnaire plus que le tribun. L’argentier national se présente ainsi non comme un politicien charismatique, mais comme le maitre rigoureux d’une vision stratégique, fidèle à une méthode : planification, discipline et résultats.
Son hommage au président Patrice Talon s’inscrit dans une logique d’héritage assumé : celui de la modernisation économique, de la rigueur financière et de la transformation structurelle. « Vous avez démontré que nos pays, même sans ressources naturelles, peuvent être respectés », a-t-il lancé, en adressant toute sa gratitude au Chef de l’Etat.
Mais Wadagni n’oublie pas la fibre sociale. À la technocratie, il ajoute un accent sur la jeunesse : « Transformer l’énergie des jeunes en opportunités, les opportunités en réussite et les réussites en dignité. » Une formule qui veut faire de lui le prolongement du « chef bâtisseur » tout en incarnant le « passeur de génération ».
Prudencio : le lyrisme d’une continuité féminine
Avant lui, Claudine Prudencio, présidente de Renaissance Nationale, a donné le ton d’une cérémonie qui se voulait plus qu’une formalité : un acte fondateur. Dans un style lyrique et oratoire, elle a fait de Parakou une capitale symbolique : « Parakou, ton nom résonne dans les marchés et les foyers, franchit les frontières, pour dire au monde : le Bénin s’élève. »
La présidente de RN a insisté sur la continuité des réformes et la fidélité à la rigueur. En Romuald Wadagni, elle salue « la preuve vivante que la compétence et l’intégrité peuvent aller de pair ». Son discours est saturé d’images fortes : « amphithéâtre de l’histoire », « pacte fondateur », « Bénin modèle pour le monde ». Elle parvient ainsi à donner une dimension quasi historique à l’événement. Mais derrière l’emphase, elle rejoint le candidat sur l’idée de continuité dans la stabilité, tout en féminisant le message à travers la figure de Mariam Chabi Talata, symbole, selon elle, de « la construction à deux voix d’un avenir partagé ».
Ayadji : l’unité au-dessus des partis
Dans un ton plus pragmatique, Jacques Ayadji, président de Moele-Bénin, a rappelé la genèse politique du choix du duo. Son discours, moins lyrique mais plus méthodique, a retracé le processus interne de son parti, les concertations interpartis, les consultations, les validations, jusqu’à la désignation finale. C’est le discours de l’organisateur et du rassembleur, celui qui veut donner une légitimité méthodique à une investiture collective.
Le président de MOELE-Bénin salue la naissance d’un « moment fondateur » où les clivages doivent s’effacer au profit de la cohésion nationale. « Le Bénin au-dessus de tout », répète-t-il, faisant écho à la devise de son parti. Il inscrit la candidature Wadagni-Talata dans une dimension patriotique et consensuelle, insistant sur l’idée d’un président « équidistant de tous les partis », symbole de neutralité et d’unité. En réalité, ce discours vient équilibrer le lyrisme de Prudencio et la technicité de Wadagni : il enracine le projet dans un consensus institutionnel et rationnel, apaisant les ambitions partisanes sous la bannière d’un intérêt supérieur.
Bio Tchané : la parole du stratège économique et du sage politique
Parmi les figures montées à la tribune, le président du Bloc Républicain, Abdoulaye Bio Tchané, a livré l’un des discours les plus structurants de la cérémonie. Le ministre d’État a rappelé le sens du choix du duo Wadagni-Talata : « Jamais dans l’histoire récente du Bénin, notre pays n’a connu une telle transformation. Le duo que nous investissons aujourd’hui, c’est le choix de la continuité et de l’efficacité. » Bio Tchané a aussi souligné la rigueur et la compétence de son ancien collaborateur : « Romuald Wadagni a incarné, aux côtés du président Talon, la discipline financière, la crédibilité internationale et la transparence budgétaire. »
Son discours, à la fois sobre et politique, a fait écho à sa réputation de technocrate pragmatique : « Le Bénin a désormais les bases solides d’une économie moderne. Il faut aujourd’hui en partager les fruits avec nos jeunes, nos femmes, nos entrepreneurs. » A la fin de son allocution, il s’est voulu solennel : « Ainsi, au nom du Président du Conseil National du Bloc Républicain, je déclare solennellement le duo Romuald Wadagni et Mariam Zimé Chabi Talata investi par le Bloc Républicain en vue de l’élection présidentielle d’Avril 2026. » On l’aura compris, le BR a choisi de faire du rassemblement de samedi le Conseil national du parti.
Djogbénou : la légitimité institutionnelle et la continuité républicaine
Enfin, Joseph Djogbénou, président de l’Union Progressiste le Renouveau, a donné à l’événement sa dimension doctrinale. Dans un propos au ton académique, presque constitutionnaliste, il a replacé l’investiture dans « l’histoire du renouveau démocratique » du Bénin. Selon lui, l’union des quatre partis majoritaires consacre une maturité politique inédite : « Pour la première fois, les partis d’envergure gouvernementale désignent un candidat unique pour poursuivre le dessein de développement et de rayonnement national. »
Il situe le duo Wadagni-Talata dans la continuité institutionnelle des réformes engagées depuis 2018 : nouvelle charte des partis, révision constitutionnelle, rationalisation du système politique. Pour lui, Wadagni est « le choix de la continuité dans le progrès et celui de l’avenir dans la fidélité à nos idéaux ».
Un ton mesuré, dense, mais porteur d’une idée-force : la stabilité politique est désormais le socle du développement.
Une rhétorique de la continuité collective
De ces quatre voix, se dégage une harmonie singulière : la continuité comme fil conducteur, mais déclinée selon quatre sensibilités.
À Parakou, ce 4 octobre 2025, il ne s’agissait donc pas seulement d’une investiture, mais d’une mise en scène du passage de témoin entre l’ère Talon et l’ère Wadagni, sous le sceau de la continuité et de l’unité nationale. Dans ce concert d’alliances et d’hommages, le candidat Wadagni s’est imposé en technocrate rassembleur, incarnant la promesse d’un Bénin planifié, rigoureux et apaisé.
Olivier ALLOCHEME