Dans une nouvelle réflexion intitulée « L’appareil étatique et la mise à l’écart d’acteurs du développement : contribution ignorée des seniors au développement économique du pays », l’Ambassadeur Candide Ahouansou plaide pour une véritable reconnaissance politique et sociale des personnes des troisième et quatrième âge, trop souvent oubliée. Il faut que l’État pense à créer une structure dans laquelle les seniors pourront se rendre utiles au pays. Pour lui, les seniors continuent pourtant de jouer un rôle déterminant dans le développement national, que ce soit par le transfert de leurs savoirs, leur soutien économique ou encore la prévention des dérives sociales. « Les personnes du troisième âge aident au développement en ce sens que ce sont elles qui détiennent l’expérience, pierre angulaire de tout développement ».

L’appareil étatique et la mise à l’écart d’acteurs du développement
CONTRIBUTION IGNORÉE DES SENIORS AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU PAYS
Il est un fait à qui les médias mais aussi , il faut bien le reconnaître et le dire avec toute la déférence que nous leur devons, les autorités qui nous dirigent depuis toujours ne paraissent pas avoir ccordé sa juste importance . Il s’agit de la contribution des personnes des troisième et quatrième âges au développement du pays. N’est-il alors pas légitime que de temps à autre les intéressés donnent de la voix pour défendre leur cause si tant est que charité bien ordonnée commence par soi- même?
La contribution des seniors de la société au développement du pays paraît à nos yeux si évidente que sa non reconnaissance pose un problème qu’il n’est politiquement pas correct d’occulter . La réflexion analytique à laquelle nous nous livrons essaie de déterminer ce qui explique cette situation en amont . Mais avant cela, il convient de considérer les relations sociétales des seniors si tant est que, généralement, les relations entre les composantes de la société préfigurent ,le cas échéant, une éventuelle mise à l’écart et que le relationnel affecte le jugement bien des fois.
LE RELATIONNEL SOCIETAL DES SENIORS
De nos jours et généralement parlant, les jeunes entretiennent avec les personnes âgées des relations plutôt négatives en rupture avec les préceptes de nos traditions millénaires; une sorte de gérontophobie. C’est un constat qu’il convient de cerner avec perspicacité , dépassant le seul cadre social. Idées et slogans fusent en effet, dans différents milieux visant à ranger les personnes d’âge avancé dans les placards . Que de fois n’a -t-on pas entendu les plus jeunes clamer : »Les personnes âgées sont un poids lourd que traine la société ; elles ne servent plus à rien et l’on ne peut plus rien en tirer; elles nous fatiguent; l’avenir appartient aux jeunes’’ . Et ainsi de suite . Que de fois les retraités n’ont-ils pas entendu à leur corps défendant, ces diatribes avec résignation! Et dire que dans ce pays les gens entre deux âges se disent plus jeunes que la nature ne le leur permet et font des jeunes un fonds de commerce politique en les adulant le mieux qu’ils peuvent. Les jeunes se convainquent alors du fait qu’il leur est loisible d’éconduire au plus tôt les plus âgés qu’eux afin de se donner les meilleures chances de se positionner au plus vite.
LES TENANTS ET LES ABOUTISSANTS DU PHENOMENE
En fait , la mise à l’écart des seniors remonte au sommet de l’Etat. Ne pas les mettre là où il sied de les mettre dans l’appareil étatique est une attitude politique; aussi les raisons profondes de cette mise à l’écart devraient-elles être recherchées dans la sphère politique.
- L’ ossature gouvernementale
Jusqu’en l’année 2012, les personnes âgées ne figuraient dans aucun libellé de ministère alors que les jeunes y ont toujours trouvé une place . Ce n’est qu’en cette année- là que pour la toute première fois, l’on a intégré les personnes du troisième âge dans une structure gouvernementale :celle du Ministère de la Famille devenu alors Ministère de la Famille, des Affaires sociales, de la Solidarité, des Personnes handicapées et des Personnes du troisième âge. Nous écrivions à cette occasion un article en date du 15 mai 2012 intitulé : ‘’Enfin la reconnaissance politique des personnes du troisième âge » . Le fait de n’avoir pas procédé à cette reconnaissance jusqu’à lors ne pouvait manquer d’être interprété comme fait de non reconnaissance d’importance à cette catégorie sociale . Il est du reste symptomatique que ces personnes du troisième âge ne figurent plus actuellement dans le libellé d’aucun ministère quand bien même il y aurait au sein de celui des Affaires Sociales et de la Microfinance , un service dénommé ‘’inclusion et insertion » qui aurait en charge ‘’ la promotion et la protection des personnes âgées »’. Ce, j’allais dire manquement en dit long et confirme, si besoin en était, le caractère politique du sujet.
– Notre Constitution
A n’en guère douter, d’aucuns marqueront , au demeurant à juste titre, leur étonnement que nous pointions du doigt notre Loi Fondamentale en cette matière de mise à l’écart alors qu’elle défend le principe de l’égalité des citoyens et qu’elle dispose spécifiquement en son article 26 que » l’Etat doit veiller sur les personnes âgées ‘’ . Soit ! Il n’empêche que parlant de manière triviale, je dirais volontiers que notre Constitution trouve qu’à compter de 70 ans , l’âge limite pour être candidat à la présidence de la République, nous n’avons de ressources intellectuelles fiables que pour une durée maximale de 10 ans par le biais du renouvellement du mandat présidentiel de 5 ans . En d’autres termes et par extrapolation , la société n’a plus besoin des citoyens âgés de plus de 80 ans. D’un autre côté , la condition initiale des 45 ans pour briguer la magistrature suprême parait conflictuelle, et pour cause. Dès lors que la loi permet aux jeunes d’être candidats à la présidence de la République à partir de 45 ans, l’on peut soupçonner et comprendre que ceux-ci se donnent des raisons de bousculer et d’écarter systématiquement ceux-là qui se donnent la latitude , le choix mais aussi le temps d’attendre jusqu’à 70 ans pour briguer la magistrature suprême ; ils deviennent leurs rivaux et c’est la porte ouverte aux frictions. Le raisonnement peut paraitre hypothèse d’école, mais nous sommes en débats d’idées . Ne pourrait- on alors réduire l’écart entre les deux âges ? Il est actuellement de 25 ans. Ne pourrait-on l’abaisser à 10 en relevant l’âge minimum de 45 à 55 ans? Du reste, il est de notre avis qu’à 55ans, le compte des expériences requises pour diriger efficacement un pays aussi complexe que le nôtre est bon. Et il se fait qu’à l’échelle internationale le senior se situe entre 50 et 55 ans .
Voilà donc deux éléments faîtiers: l’un effectif , lié au retard mis à intégrer les personnes du troisième âge dans une structure gouvernementale; l’autre , plutôt hypothétique certes, mais lié à la Loi Fondamentale, qui me paraissent susceptibles d’affecter sans que l’on s’en rende compte vraiment, les attitudes des jeunes à l’égard des seniors . Et c’est ainsi , estimons-nous, que s’est imprimé à pas feutrés dans les esprits des jeunes que le troisième âge est socialement et politiquement un handicap pour eux. Ils en ont tiré leur parti sans égard au fait que bien des fois les parents déjà retraités de leur état, continuent de subvenir à leurs besoins et par ricochet au développement du pays.
DE QUELLE MANIÈRE LES SENIORS PARTICIPENT- ILS AU DEVELOPPEMENT?
En matière de développement , il convient de discerner ceux qui y participent directement et ceux qui y participent par le biais d’actions indirectes . J’écrivais dans un récent article que le personnel de maison bien que n étant qu’au bas de l’échelle sociale participait au développement du pays en libérant leurs employeurs en haut de l’échelle pour leur permettre d’aller servir directement le pays dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a similitude avec les personnes âgées principalement de deux manières.
– Côté social
Les politiques mettent volontiers l’accent sur la nécessité pour les jeunes d’accéder au marché de l’emploi en sollicitant le secteur privé , mais ils oublient que les personnes admises à la retraite entreprennent des activités pourvoyeuses d’emploi . L’on oublie également que bien de parents s’obligent à soutenir leurs enfants encore en quête d’emploi. en faisant le sacrifice de rogner sur leur maigre pension tant qu’ils n’ont pas un emploi. Et l’on sait qu’un enfant sans travail et livré à lui- même est un délinquant en puissance et un problème potentiel pour l’Etat s’il ne bénéficie pas du soutien de ses parents .Il sied alors de reconnaître aux retraités la part qu’ils assurent dans la prévention de la délinquance aux côtés de l’Etat ; et partant au développement du pays.
– Côté transfert des connaissances
Les personnes du troisième âge aident au développement en ce sens que ce sont elles qui détiennent l’expérience, pierre angulaire de tout développement . Un pays ne se construit qu’avec le cumul des expériences et ce sont les retraités qui les detiennent. Aucune intelligence ne résiste à l’expérience ni au savoir- faire discursif . Il n’y a pas de raccourci pour l’atteindre : elle ne peut s’acquérir qu’au fil du temps et l’expérience prend du temps. C’est par la transmission de l’expérience que les grands pays se sont construits et continuent de s’édifier. N’est -ce- pas raison suffisante pour créer une structure dans laquelle les seniors pourront se rendre utiles au pays ?
Ambassadeur Candide Ahouansou