Ça se bouscule aux portes de la rubrique phare ‘’Sous l’arbre à Palabre’’ de votre journal L’Evènement Précis. Le ballet des personnalités politiques, économiques, sociales, culturelles, religieuses et diplomatiques se poursuit. L’ambassadeur de l’éducation, Moukaïla Amadou, Fonctionnaire international et Membre fondateur de la Fondation Solidarité Bénin (FSB) est face aux journalistes de la rédaction pour l’entretien atypique qui revisite l’état du pays dans les domaines de compétence de l’invité. Volontiers, Moukaïla Amadou a accepté de débattre à bâtons rompus avec l’équipe du quotidien L’Evènement Précis. Au cours de cette entrevue, Moukaïla Amadou a dévoilé les actions de la fondation pour soutenir l’éducation au Bénin ainsi que ses efforts pour encourager l’excellence scolaire.

- Est-ce que vous pouvez nous présenter la Fondation Solidarité Bénin et ses missions ?
La Fondation Solidarité Bénin comme son nom l’indique, est une fondation qui se veut nationale. Cette idée nous a été inspirée par nos diverses expériences aussi bien académiques que professionnelles, notamment dans différents pays parcourus à travers les institutions internationales et organisations des Nations Unies. Après avoir fait ce parcours, on s’est rendu compte qu’il y a un grand gap au niveau du Bénin en termes de mobilisation, de contribution et de participation citoyennes au développement. Il est ressorti qu’en travaillant à mobiliser la jeunesse au sein d’un creuset tel qu’une Fondation, on pourrait mieux s’organiser pour cette participation citoyenne.
Au départ, on a voulu créer une association, mais les associations, il y en a de par le monde entier, de par le pays si bien que l’association ne cadre pas avec ce besoin assez crucial au niveau de nos communautés et ne nous donne pas grande chose en termes d’originalité, de nouveauté. De ce point de vue, nous avons opté pour une Fondation plutôt que de créer une association, pour faire un peu la différence.. Et cette Fondation, j’aurais pu la créer en mon nom ou au nom de ma famille. Mais, je me suis dit « Mais, je ne suis pas le seul jeune qui ait cette volonté-là d’investir dans le social ou de contribuer au développement ! D’autres jeunes comme moi seront aussi intéressés à contribuer au développement de notre pays». C’est ainsi que nous avons travaillé à contacter beaucoup de jeunes cadres comme nous, aussi bien de l’intérieur du Bénin que de la diaspora pour créer cette Fondation-là, il y a quelque temps.
Donc la mission de la Fondation est de travailler à créer vraiment un impact social, à contribuer au développement dans les secteurs vitaux, les secteurs sociaux, tels que l’éducation, la jeunesse, l’emploi, l’insertion professionnelle des jeunes, tous les défis auxquels la jeunesse se trouve confrontée aujourd’hui. Donc, il s’agit d’une contribution. Je le dis, je le répète encore, c’est une contribution, une participation assez volontaire des jeunes qui ont cette ambition-là, d’apporter un plus, de pouvoir apporter une contribution au développement de leur localité, au développement de leur communauté, au développement national. Il va sans dire que la Fondation Solidarité Benin, à la différence de la plupart des fondations que nous avons au Bénin, en Afrique et dans le monde, est une Fondation nationale. Ce n’est pas une Fondation qui appartient à un homme d’affaires, encore moins à un arrondissement, un département, une commune. C’est plutôt une Fondation nationale et elle est ouverte à tous, pourvu que vous soyez Béninois. Voilà ce que je peux dire.
- Elle est dirigée par qui ?
C’est vrai que j’ai eu l’initiative, cette idée, de mettre en place la Fondation. Mais pour que cela soit vraiment participatif et que tout le monde puisse s’impliquer, et pour plus d’harmonie et de cohérence, nous avons désigné quelqu’un qui a beaucoup plus d’expérience que moi en matière de gestion associative, qui est actuellement basé au Burkina-Faso et qu’on appelle Dr Ermel JOHNSON, un Médecin de santé publique qui a beaucoup d’expériences en matière de gestion associative. Il appartient à beaucoup d’autres structures associatives telles que le Lion’s Club.
Dr Ermel Johnson est le président du Conseil d’Administration qui est composé d’autres membres tels que le Secrétaire Général qui s’appelle Dr Malik BABA DAOUDA avec qui j’étais au Nord il y a deux jours pour une activité dans l’orphelinat de Komiguéa dans le département du Borgou. Il y a d’autres personnes, dont la Trésorière Générale, en fonction à Porto-Novo, répondant au nom de Mme Victorine TOKOU. Nous avons d’autres membres, d’autres adjoints qui sont basés au Bénin mais qui travaillent de façon organisée pour que la structure puisse bien fonctionner. En dehors du Conseil d’Administration, nous avons une autre structure qu’on appelle le Conseil de Surveillance. Le Conseil de Surveillance est l’organe de vérification et de contrôle interne. C’est un peu comme l’Assemblée nationale pour pouvoir pousser, accompagner, encadrer le fonctionnement de la Fondation.
Donc ce qu’il faut préciser aussi à ce niveau-là, c’est que comme vous le constatez, la Fondation est composée des membres, de béninois qui sont répandus dans tous les continents. Nous avons des membres qui sont en Amérique, qui sont en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, chacun, en fait, dans ses activités professionnelles quotidiennes. Donc, c’est une structure purement associative et caritative.
- Et vous vous êtes le bras opérationnel sur le terrain ?
Voilà, c’est vrai actuellement, de par les premières activités qui ont été mises en œuvre, j’ai été beaucoup plus présent sur le terrain. Mais ça c’est pour la bonne cause. Non seulement j’ai eu l’idée d’initier cette Fondation, mais à un moment donné, il fallait montrer l’exemple, il fallait montrer le chemin à suivre, il fallait encourager, motiver les autres membres à s’engager. Ceci m’amène à faire aussi une certaine clarification, qui va être utile parce que beaucoup se posent cette questions-là. Pourquoi c’est moi qu’on voit sur le terrain ? La Fondation Solidarité Bénin a un Président et ce n’est pas moi. La Fondation Solidarité Bénin telle que conçue a deux types d’initiatives. Il y a des initiatives collectives. C’est-à-dire les activités que nous faisons de façon collective sur le terrain, au plan national, à travers les ressources que nous mobilisons, par la cotisation mensuelle de 5.000FCFA seulement et à travers aussi les partenariats. Nous faisons aussi des dons. Pour les dons, nous les faisons à tout moment, chaque année, chaque mois. Il n’y a pas un temps donné pour faire de dons. Vous pouvez vous lever pour faire un don. Il y a d’autres bonnes volontés qui le font, mais les membres le font au-delà de cette cotisation qui est quelque chose de statutaire. Donc, ces cotisations et ces partenariats, disais-je, nous permettent d’organiser des activités d’envergure nationale. Nous allons revenir sur les détails des projets ou des intentions que nous avons. Mais au niveau national, compte tenu des besoins, on peut se mettre ensemble pour réaliser ces activités. Ça c’est les activités collectives, des interventions collectives. Mais au-delà de ça, il y a des initiatives individuelles au niveau de la Fondation, qui s’organisent sous le couvert de la Fondation et que la Fondation soutient.
Ça veut dire qu’en tant que membre, vous pouvez décider au regard du besoin exprimé par une communauté, par une localité dans un domaine donné, de financer une initiative. Et cette initiative-là se déroule avec le couvert de la Fondation. La Fondation vous appuie en fonction des besoins, en fonction des circonstances et en fonction du contexte. Donc, c’est un peu cela. Et nous avons commencé par développer beaucoup plus en fait des initiatives individuelles que des initiatives collectives. Et les initiatives individuelles sont beaucoup plus une source de motivation pour les personnes, les bonnes volontés qui le font. Nous ne pouvons pas utiliser seulement les ressources de la Fondation pour réaliser des activités partout. Il y a trop de besoins et partout. La scolarisation, l’éducation, la promotion de l’excellence, les problèmes de santé, les problèmes socio-sanitaires, il y en a partout. Il est clair qu’on on ne peut pas compter seulement sur les ressources de la Fondation pour pouvoir faire ces activités-là. Donc nous avons en quelque sorte libéralisé, si je peux le dire en ces termes. On a permis à tout le monde de pouvoir initier les activités suivant leurs capacités financières, la capacité à mobiliser des ressources matérielles financières et humaines.
- Est-ce que c’est parce que vous avez fait un diagnostic de la pauvreté ambiante ? Quels sont les défis qui vous ont amené à mettre en place cette Fondation ?
Voilà. Les défis qui ont conduit à la mise en place de la Fondation, comme vous l’avez bien dit, c’est la pauvreté. C’est la pauvreté et lorsqu’on a eu l’occasion de faire le tour d’un certain nombre de pays en Afrique, on se rend compte en réalité que la dynamique est différente en matière de développement. Les jeunes s’organisent beaucoup plus qu’au Bénin. Ils s’organisent sans être politiques pour contribuer au développement.
L’Etat ne peut pas tout faire. L’Etat ne peut pas répondre à toutes les préoccupations de la population. Mais des initiatives individuelles, des initiatives au niveau associatif pourraient permettre de combler ce vide-là et d’accompagner nos frères et sœurs qui sont dans le besoin. En dehors de ça, je l’ai dit à plusieurs occasions, je l’ai répété à Savè et pas plus tard qu’avant-hier encore à Kilibo, nous sommes très pauvres. Nous sommes très pauvres. Nous le savons tous, mais on s’en convainc davantage lorsqu’on traverse les frontières du Bénin. Et quand vous faites l’analyse, quand vous faites le diagnostic de façon holistique, vous vous rendez compte qu’à travers l’éducation, à travers la sensibilisation, à travers la conscientisation de la jeunesse, on peut régler beaucoup de besoins de façon transversale. Et ceci nous a amenés à intégrer le volet éducation comme un volet assez important. Si vous faites bien le constat, actuellement on parle beaucoup plus de promotion de l’éducation, de l’excellence en milieu scolaire avec la conviction que si nous investissons dans l’éducation, si nous formons bien la jeunesse, si la jeunesse a une formation, un background socioprofessionnel vraiment pertinent et qu’elle puisse faire face aux défis de notre époque, d’ici peu, on pourra vraiment régler la question. On peut réduire de façon considérable le sous-développement, la misère ou la pauvreté.
- Comment les membres de la communauté peuvent-ils s’impliquer ?
Il est d’abord important que les gens sachent ce qu’est la Fondation. Qu’est-ce qui nous a amené à créer la Fondation? Et après, s’informer sur quelle peut être leur contribution en tant que communauté, pas forcément bénéficier des actions, mais comment est-ce que la communauté aussi peut y contribuer ? Donc pour nous c’est assez important, la participation citoyenne, la participation communautaire. Nous avons un plan, d’ici peu, que nous allons dérouler pour pouvoir sensibiliser la communauté aux fins de sa participation à ce que nous faisons. De la même manière, il est important que la communauté puisse nous accompagner de façon à ce qu’ensemble nous puissions identifier les différents besoins et s’asseoir ensemble pour identifier les mécanismes de mobilisation de ressources et de mise en place des activités de façon durable parce que, une chose est de pouvoir répondre aux besoins des communautés, mais si elles ne sont pas associées, ça ne va pas être durable. En développement communautaire, comme je l’avais dit, tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi. Donc, il est important que les communautés puissent vraiment s’associer à nous pour contribuer, pour participer d’abord en étant informées, en étant sensibilisées et pouvoir participer maintenant aux œuvres de développement. Sans la communauté, la Fondation ne va pas pouvoir faire grand-chose. Comme vous le voyez, une bonne partie des membres vit à l’étranger, ce sont des gens qui connaissent le pays, mais les situations, les conditions de vie peuvent varier d’une localité, d’un département, d’une région à une autre. Il est important qu’on puisse contextualiser les actions que nous faisons. Et là nous pouvons le faire avec la contribution des populations à la base. Et parlant aussi de cet aspect de participation, il est important pour nous de pouvoir travailler avec les élus locaux qui sont aujourd’hui les représentants de l’Etat à la base. Nous avons l’obligation de travailler avec les communautés mais aussi avec les élus locaux : les chefs d’arrondissements, les chefs de quartier, les maires et même les préfets pour que nos actions soient mieux coordonnées.
- Pouvez-vous nous parler des différentes initiatives que la Fondation mène pour soutenir l’éducation au Bénin ?
Alors nous avons fait un petit diagnostic, je dis bien un petit diagnostic, pour voir quels sont les problèmes assez critiques, les problèmes cruciaux pour lesquels la Fondation peut contribuer en vue de l’épanouissement de la communauté scolaire. L’une des premières remarques, c’est qu’il y a un manque d’infrastructures scolaires et socio-sanitaires. Par exemple, il y a des localités où il y a un manque de table-banc pour les élèves. Nous avons vu des images circuler où les élèves sont à même le sol pour prendre les cours. Il y a aussi des régions où il manque des salles de classe. Nous avons vu des salles de classe vraiment défectueuses qui ont été construites depuis des années et qui sont sans toitures. Nous avons aussi vu des écoles qui sont sans toilettes, sans latrine. Et pourtant, c’est des hommes, c’est des enfants qui y vivent et qui y travaillent. Il y a beaucoup de besoins non satisfaits en matière d’éducation. L’autre fait important, sur lequel nous travaillons et qui suscite l’admiration des populations et des élus locaux, de la communauté scolaire de façon globale, c’est l’appui aux travaux de renforcement dans les classes d’examen au Bénin. Les enfants ont vraiment besoin des travaux de renforcement. Suivant nos informations, les travaux de renforcement permettent d’améliorer le rendement aux différents examens de fin d’année au Bénin : CEP, BEPC et Baccalauréat. Mais, il y a des localités qui n’arrivent pas à organiser ces travaux de renforcement parce que les parents n’ont pas de moyens pour payer. Ces frais sont complémentaires à la scolarité.
Partant de là, nous avons décidé, dans certaines localités, de prendre entièrement en charge les travaux dirigés pour les apprenants. Et le fait le plus marquant de l’année scolaire passée, c’est que quand vous prenez l’arrondissement de Kilibo dans les Collines où il y a le CEG 1 Kilibo, le CEG 2 Kilibo, le CEG Yaoui, et vous comparez les résultats des différents examens pour les deux années précédentes, à ceux de l’année où nous avons financé les Travaux Dirigés à 100%, vous verrez que l’écart est vraiment grand. Pour le baccalauréat, nous avons eu un taux de réussite au-dessus de la moyenne nationale à plus de 57 %. Et même quand on parle du baccalauréat d’un taux de réussite de plus de 57 %, ça cachait un peu certaines disparités entre les séries. Il y a une série, la série C qui a fait près de 96 % et c’était la première fois. Nous avons eu des sériesquiont fait 100 %. Donc c’est quelques séries qui ont tiré vers le bas en fait ce score. Et nous sommes convaincus que si on met encore plus d’effort, si on s’engage davantage, on va relever le score cette année 2024-2025. Au BEPC, nous avons fait plus de 95%, l’année passée. C’est inédit, cela ne s’est jamais passé antérieurement avant cette activité que nous avons menée. Et vous voyez, partant de là, nous nous sommes dit que c’est une bonne pratique. Si on contribue à aider les parents d’élève à financer les travaux dirigés de façon à rendre cela gratuit, on est sûr d’avoir de bons résultats à la fin d’année. Ces résultats ont séduit d’autres arrondissements et d’autres localités de la commune voire même dans le pays qui ont commencé par exprimer cette demande-là. Je ne peux pas vous dire combien de demandes on reçoit par jour, par semaine par rapport à l’appui aux Travaux dirigés pour les enfants.
- Parlant de l’excellence en milieu scolaire, quelles sont les actions que vous avez menées ?
Nous avons commencé depuis deux ans à primer les meilleurs élèves. Je prends le tout dernier cas que nous avons eu à organiser à Savè au niveau communal. Au niveau communal, nous avons décidé de primer les meilleurs élèves et compte tenu de nos moyens, nous avons fixé le nombre de lauréats à 20. Et les 20 élèves que nous avons sélectionnés proviennent des huit (08) arrondissements de la Commune. Pour chaque arrondissement, nous avons sélectionné deux (02) élèves dont une fille et un garçon, sur la base de leur moyenne annuelle, ce qui fait qu’on a au total seize (16) élèves. A ce nombre, nous avons complété les deux (02) meilleurs au BAC et au BEPC et toujours pour le souci de parité, nous avons pris la première des filles et le premier des garçons, ce qui donne au total 20. Et ces jeunes ont été récompensés. Les meilleurs, par exemple au Baccalauréat, ont eu des ordinateurs neufs de marque HP. Pour le BEPC, ils ont eu des vélos VTT. Pour les autres classes intermédiaires, il y a eu des kits scolaires composés de cahiers, de stylos, tout ce que vous voulez. Cela a été vraiment quelque chose d’inédit et c’était une première à Savè. Les populations étaient contentes ; ce qui était touchant, c’est que nous avons vu les parents et les enfants couler des larmes. Les parents ont vraiment pleuré ; les autorités nous ont demandé de poursuivre dans ce sens parce que ça va émerger. Avant cela, nous avons encouragé aussi l’excellence à Kilibo. Et là, c’est au niveau arrondissement où nous avons primé plus de 90 élèves du primaire jusqu’à l’université et même toutes les écoles privées de la localité ont été aussi impactées.
- Dans ce cadre, quelles sont les relations que vous avez avec les acteurs ou les responsables des différents établissements. Comment est-ce que vous arrivez à déterminer ces meilleurs apprenants ?
Ce qu’il faut rappeler, c’est que pour chacun de ces genres d’activités-là, nous mettons en place un comité de gestion. Nous, nous avons l’initiative, mais il faut travailler avec la communauté. On a besoin d’associer en fait toutes les parties prenantes. Donc au sein de ce comité-là, il y a l’association des parents d’élèves qui est représentée, il y a les représentants des différents établissements scolaires, nous avons l’Association de Développement qui est représentée, les membres de la Fondation qui sont représentés. Et de façon collaborative nous travaillons à définir les critères compte tenu des moyens que nous avons pour dire qu’on veut primer tel nombre d’élèves, après avoir évalué tout le contenu des kits à offrir. On regarde le contenu des kits, on fait une évaluation financière, combien nous avons et combien de personnes nous pouvons financer. C’est ça qui nous permet maintenant de définir les critères de sélection. Vous voyez, les critères de sélection varient d’une localité à une autre. Et de façon participative, les directeurs d’école, les responsables d’établissement sont impliqués et nous travaillons ensemble, si bien que tout se passe dans la transparence.
- Est-ce que les TD sont payés par vous ? Est-ce que vous payez directement les enseignants ? Comment ça se passe ?
Pour chacune des écoles ou chacun des établissements, nous demandons au chef d’établissement ou au responsable de faire une évaluation des besoins pour les TD. Les TD entièrement étaient payés par les élèves. On fait une évaluation pour voir combien d’élèves il y a dans l’établissement et combien chacun devrait payer pour organiser normalement les TD sur les 9 mois de l’année scolaire. Ce qui nous permet d’avoir une estimation. Et ce sont ces estimations-là qui nous sont soumises par les responsables d’établissement, ensemble avec la communauté, l’association des parents d’élèves. C’est ça qui nous permet de financer ces activités de Td dans la transparence.
- Les enseignants sont payés à combien ?
Nous n’entrons pas dans les détails en ce qui concerne le paiement des enseignants. Même si on en a une idée, nous n’entrons pas dans les détails, mais on laisse en fait la responsabilité aux chefs d’établissement de gérer cette subvention que nous donnons. De toute façon, on n’a jamais appris, il n’y a jamais eu de remous, il n’y a jamais eu de critiques ou de commentaires sur la motivation des enseignants. Mais tout ce que nous faisons, nous finançons, nous donnons la cagnotte et l’établissement fait la répartition, suivant les disciplines qui sont enseignées. Je donne un exemple, pour l’arrondissement de Kilibo l’année passée et même cette année, on a donné une enveloppe symbolique de un Million (1 000 000) de FCFA qui couvre la totalité des TD qui devaient être organisés. Et ça a été réparti en fonction des besoins au niveau de chaque établissement de l’arrondissement. Là, il y a trois collèges par exemple, et les trois collèges ont réparti de façon équitable les ressources octroyées, pas de façon égale. Nous avons étendu aussi cette assistance-là dans d’autres localités comme dans l’arrondissement d’Ikêmon cette année qui bénéficie de cette mesure-là qui va permettre de booster le taux de réussite au niveau scolaire.
- Il y a des localités où les parents sont tellement pauvres qu’ils n’ont même pas la possibilité d’assurer le minimum pour que les enfants aillent à l’école. Est-ce que vos actions touchent ces milieux-là ?
Vous savez, a priori, on ne peut pas régler tous les besoins. Et notre stratégie pour le moment est moins focalisée sur les individus que sur les groupes. Bien sûr que ça va être fastidieux, voire compliqué de prioriser les besoins individuels à ceux de groupe, au regard de l’impact recherché et de ressources disponibles. Pour le moment, compte tenu de nos moyens, il est important pour nous de nous accentuer ou de nous intéresser beaucoup plus aux groupes d’élèves, que de penser à chaque famille ou à chaque individu. La scolarisation au niveau des milieux défavorisés il y en a, c’est une question vraiment qui se pose à beaucoup de localités au Bénin. Mais on ne peut pas tout régler à la fois. Notre stratégie, c’est d’influencer positivement les différents groupes de façon à pouvoir avoir de bons résultats. Et c’est ça qui explique aussi la remise de la distinction des meilleurs élèves. La distinction des meilleurs élèves, c’est vrai que c’est des individus, mais cela impacte de façon directe les différents groupes dans leur ensemble.
- Quelle est l’importance du mentorat dans vos programmes ?
Le mentorat est important, nous en avons pris conscience mais pour le moment, cela n’est pas encore suffisamment développé. Tout ce que nous faisons, c’est des communications et le suivi scolaire des enfants. Il y a des enfants qui émergent. Nous avons décidé de suivre ces élèves de près, à travers les établissements où les directeurs, les censeurs nous permettent de faire ce suivi-là de façon régulière sur le terrain, de façon à ce qu’un élève que nous avons primé cette année puisse être parmi les meilleurs l’année qui suit pour ne pas le perdre, compte tenu des difficultés. Il y a aussi des enfants très brillants mais qui sont issus de familles très pauvres. Et si nous ne les suivons pas de près, malgré les efforts, ils ne pourraient pas persévérer. D’où la nécessité du mentorat dont vous parlez. Les mentorats aussi, c’est des communications que nous avons prévues faire à l’endroit des apprenants sur toute l’étendue du territoire. Cela fait partie de notre plan, de pouvoir commencer par faire des communications de façon régulière. Vous voyez, il y a beaucoup de cadres internationaux qui composent la Fondation ; chacun exerce dans un domaine donné. Il y a aussi des cadres, au niveau de l’administration, du privé, un peu partout dans la sphère professionnelle, et chacun avec son background. Nous avons réfléchi sur le fait qu’il est important qu’on se mette ensemble pour pouvoir commencer par descendre dans les localités, par département peut-être, pour pouvoir faire des communications, en vue de faire le mentorat, et puis aussi de faire le suivi, de faire des séances d’orientations aux apprenants. Cela va les motiver tout en sachant qu’il y a des aînés qui ont déjà fait ce parcours et qui travaillent dans un domaine donné, ça pourrait les inspirer à travailler davantage. Donc ceci aussi est envisagé, notre objectif étant de faire vraiment rêver la jeunesse béninoise. En dehors de ça, au niveau national, nous travaillons avec des organisations de la société civile. Par exemple, il y a un réseau qu’on appelle Réseau des femmes d’impact au Bénin. C’est des femmes qui s’organisent pour impacter aussi les communautés, les populations, surtout dans le domaine de l’éducation, le domaine de la santé sexuelle et reproductive des jeunes et adolescents. Et nous avons travaillé depuis environ deux ans à sensibiliser les jeunes filles et les jeunes garçons, à travers différents centres d’apprentissage, non seulement les écoles mais aussi les centres de formation professionnelle. Donc nous avons déjà fait près de quatre campagnes de communication, qu’on appelle « les ateliers La Boussole de la jeune fille ». Donc nous collaborons avec beaucoup d’organisations de la société civile pour pouvoir répondre à certains besoins pour les quels nous on n’a pas encore les moyens de répondre de façon urgente et de façon efficace.
- Quels sont les défis majeurs que vous rencontrez dans la mise en œuvre de vos différents projets dans l’éducation et comment vous arrivez à les surmonter ?
Alors, pour les défis, il y en a assez. Nous avons ce défi-là, en fait, d’une forte demande. Vous voyez, tout ce que nous faisons, on parle des travaux dirigés, on parle de prix d’excellence, que nous offrons, c’est des choses qui coûtent excessivement cher. Nous n’avons pas encore de partenariat en tant que tel, tout ce que nous faisons pour le moment, c’est des activités sur fonds propres. Et il y a une forte demande, au jour le jour. Les responsables d’établissement nous envoient des demandes, les élus locaux nous contactent pour nous dire qu’ils ont besoin que nous fassions ces genres d’actions chez eux. Ça, c’est le principal défi et les ressources financières sont insuffisantes. Mais c’est aussi une leçon pour nous, c’est un constat qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine-là de l’éducation et c’est aussi en même temps un moyen de faire le plaidoyer à l’endroit des partenaires mais aussi de l’Etat pour dire qu’il y a beaucoup à faire surtout quand on sort de Cotonou, quand on sort des grandes villes. Dans les communautés les plus reculées il y a beaucoup de choses à faire. Vous avez dit qu’il y a des enfants qui ne mangent pas pour aller à l’école, même s’il faut saluer le gouvernement par rapport aux cantines scolaires. Mais les cantines scolaires ne sont pas partout, il y a des localités qui n’en disposent pas. Donc ces défis nous permettent de faire un plaidoyer à l’endroit de nos partenaires et aussi de l’Etat pour dire qu’il y a beaucoup de choses à faire à la base. L’autre défi de façon générale, reste le modèle que nous avons conçu pour intervenir au niveau communautaire, et qui n’est pas encore bien connu. Il est loisible d’entendre dire que ces initiatives que nous menons sont politiques, que vous appartenez à tel ou tel courant politique, c’est pour tel que vous travaillez, parce que c’est notre contexte qui s’y prête. On n’a jamais vu ces genres d’initiatives, où de façon délibérée ou de façon citoyenne, des jeunes gens se lèvent, s’organisent, investissent leur temps, leur image, leurs ressources financières, font le sacrifice énorme pour pouvoir aider leurs compatriotes à travers un creuset. En tout cas, notre initiative est originale et il faudra certainement de temps à la population pour nous comprendre, savoir là où nous allons et nous accompagner.
- Vous voulez dire qu’il n’y a pas des partis politiques derrière vous ?
Nous on n’en connait pas et même s’il y en avait, on serait heureux de collaborer et conjuguer les efforts pour répondre aux besoins de la communauté. Notre Fondation est neutre politiquement et nous sommes prêts et ouverts à travailler avec n’importe qui. Donc vous comprenez aussi que quelqu’un de la politique, qui a des moyens peut encourager cette initiative en nous soutenant financièrement afin de répondre aux besoins sociaux surtout des plus démunis. Pourvu qu’il ne nous demande pas de faire de la propagande, de la politique avec les moyens, nous on est prêt à utiliser ces ressources pour répondre aux besoins des populations. La Fondation est ouverte à tout le monde, soit pour être membre ou et pour faire des dons financiers, en nature.
- Est-ce que vous avez des priorités en ce qui concerne la promotion de l’excellence ?
Des priorités, oui. Nous sommes en train de travailler à avoir en quelque sorte un répertoire des métiers porteurs pour l’avenir. Et pour élaborer ce répertoire, on s’est dit qu’on ne va pas tenir compte des besoins de notre contexte national mais il faut voir aussi dans les pays de la sous-région ce qui se passe. Quel est l’avenir de l’emploi ? Quel est l’avenir des différents corps de métiers ? Et quels sont les besoins dans un court, moyen et long terme ? Quels sont les domaines où on pourrait orienter les apprenants que nous continuons à encadrer ? Autant de questions cruciales qui nous imposent de travailler avec les structures étatiques ou privées et les organisations internationales impliquées. Cependant, chaque membre de la fondation va contribuer aussi, de par son background, de par sa formation académique et son domaine d’intervention. Parmi nous, nous avons beaucoup de médecins, nous avons des ingénieurs, nous avons des architectes, nous avons des gens qui travaillent à la banque, il y a beaucoup parmi nous qui sont à la Banque africaine de développement, certains sont à la Banque Mondiale, il y en a parmi nous qui sont aux Nations-Unies. Des membres travaillant pour l’Etat béninois, d’autres également sont dans le privé, etc. Et nous nous sommes mis ensemble pour créer cette Fondation. C’est cela la richesse et la force que nous constituons ; c’est là toute l’originalité et la beauté de notre initiative.
- Visiblement vous êtes tous des Béninois ?
Oui, des Béninois, ça c’est le premier critère de sélection. C’est vrai qu’il peut y avoir des bonnes volontés, des gens qui vont vouloir nous accompagner, qui peuvent ne pas être des Béninois. Mais le critère de base, c’est que tous nous soyons des Béninois. Et c’est les Béninois qui cherchaient à contribuer au développement avec un peu de moyens mais qui ne trouvaient pas un cadre idéal pour le faire. La Fondation Solidarité Bénin a été conçue en tenant compte de ce besoin.
Alors vous avez parlé tout à l’heure de l’amélioration des résultats juste après que vous ayez financé les TD. Sur le plan global, quelles appréciations faites-vous de l’évolution du secteur éducatif ?
Il y a beaucoup d’évolutions, mais il y a aussi des besoins non satisfaits. En termes d’évolution, je peux vous dire que le système éducatif béninois a évolué sur plusieurs plans. Je prends par exemple, les cantines scolaires. C’est vraiment une œuvre assez importante que le gouvernement du Bénin s’est investi à réaliser, parce que vous le savez, ventre affamé n’a point d’oreille. Il y a des enfants qui sont très intelligents, de notre époque même, qui étaient très intelligents qui ont abandonné les classes parce qu’ils ne trouvaient pas leur repas quotidien. Nous avons vu que cela a évolué, le gouvernement travaille à installer des cantines scolaires dans beaucoup d’écoles. L’autre chose aussi, nous savons qu’au Bénin, il y a la gratuité de la scolarité, au niveau des filles notamment mais les garçons aussi au primaire. Ces efforts, sont vraiment à saluer.
En notre temps et je m’amuse chaque fois, à le dire aux enfants pour les sensibiliser, qu’en notre temps, nous n’avions pas la possibilité d’avoir le courant électrique pour étudier. C’est des lampions qu’on utilisait avec la flamme et le pétrole lampant qu’on allait chercher et, pour avoir cela, il fallait aller travailler au champ pour gagner 50 à 75 francs, venir acheter le pétrole pour pouvoir étudier et malgré ça, on travaillait bien à l’école même si on avait des narines salies par la fumée (rires). Mais on avait de bonnes moyennes, on avait de bonnes notes.
Tout ça a changé aujourd’hui. Quand vous allez à l’intérieur du pays, vous voyez même les villages les plus petits qui sont électrifiés. La dernière fois, j’ai été surpris de voir même qu’à TOUI, il y a le courant électrique, à Kilibo, il y a le courant, à Ouèssè, qui est une commune rurale, il y a le courant électrique. Ça, c’est de grandes avancées pour lesquelles il faut féliciter le gouvernement. Donc, le système éducatif a changé. Par contre aussi, compte tenu des besoins dont je viens de parler, il y a certains besoins qui ne sont pas satisfaits. L’organisation des travaux dirigés, par exemple, c’est une bonne pratique de financer cela. Et nous, en le faisant en tant qu’organisation de la société civile, c’est une manière pour nous de dire au gouvernement « c’est une bonne pratique à promouvoir ». Le gouvernement peut investir de moyen pour rendre cela systématique dans tous les établissements. Donc, ça, c’est notre appréciation de façon générale.
Vous avez dit tout à l’heure qu’il y a des situations qui sont à corriger. Il y a d’autres situations qui ont besoin qu’on puisse faire d’investissement. Au niveau de la Fondation, est-ce que vous allez continuer tel que vous faites actuellement ou qu’est-ce que vous allez ajouter à ce que vous faites actuellement ?
Voilà, de par les premiers feedbacks, les premiers retours que nous avons, nous sommes motivés, encouragés à poursuivre ce que nous avons commencé. Vous voyez, c’est des initiatives assez novatrices, si je peux le dire ainsi, que nous avons développées dans les localités où nous intervenons. Le financement des TD, c’est vrai qu’on voit dans certaines localités, ça se fait, mais c’est très rare de voir ça.
Et quand bien même c’est fait, ce n’est pas très bien organisé, de façon à ce que cela puisse impacter la communauté scolaire. Il y a des initiatives éparses qui se font, mais nous notre stratégie, c’est non seulement de financer les TD, mais c’est de faire le suivi. Parce que le financement des TD sans le suivi, ça ne veut rien dire. Vous voyez ? Et on ne va pas aussi s’arrêter en fait au financement des TD et au suivi, mais un retour encore dans ces établissements là pour primer les meilleurs élèves. Donc notre travail se fait en amont et en aval. On identifie les besoins, on finance les TD, on sensibilise, on motive et puis à la fin on vient primer les meilleurs élèves ce qui permet en fait à d’autres élèves d’être plus motivés et de fournir plus d’efforts les années à suivre.
L’année passée, en septembre passé après l’organisation de la journée de promotion de l’excellence, nous avons reçu des courriers des parents ou des enfants qui ont été primés. Nous avons vu qu’il y a certains enfants pour les années antérieures qui n’avaient pas reçu de prix. Mais qui ont fait beaucoup d’efforts l’année suivante pour pouvoir bénéficier de cela. Et cela a été écrit, noir sur blanc, dans des lettres qui nous ont été adressées. Ces lettres sont là, on peut vous en faire copie et vous allez voir. Donc c’est la preuve que nos actions ont commencé par avoir des effets, même si l’impact c’est à long terme qu’on va le constater. Mais on a commencé par avoir des effets. Des effets positifs où un enfant qui n’a pas travaillé aujourd’hui est motivé à travailler demain parce qu’il a vu son frère, son ami, qui a reçu de prix et qui a été cité publiquement parmi les meilleurs. À Savè, c’est complètement la totale. Nous avons vu des parents et les bénéficiaires couler des larmes et qui nous encouragent à continuer ainsi. Parce que c’était une première, on n’a jamais vu ça. Ce qui s’est passé, personne ne l’a jamais fait à Savè. Personne ne l’a jamais fait à Kilibo. Personne ne l’a jamais fait à TOUI, personne n’avait jamais vu cela à Ouèssè ou à Savè.
Mais pourquoi est-ce que vous investissez si tant dans l’éducation ? Parce que c’est bien entendu que ce n’est pas un investissement qui a un rendement immédiat. Peut-être que les bénéfices, les résultats, dont vous parlez vont germer dans vingt ans, dans trente ans. Pourquoi est-ce que vous vous investissez si tant ?
Ce que nous faisons, je l’avais dit en partie à l’entame de cet échange. En premier lieu C’est parce que nous avons constaté que les problèmes de développement auxquels nous faisons face sont énormes et que de façon transversale, on peut y remédier à travers l’éducation. L’éducation peut nous permettre de remédier de façon transversale à tous les problèmes de santé, à tous les problèmes socio-économiques, la formation et l’insertion socioprofessionnelle. Deuxième chose, et sans vous mentir, les actions que nous menons au niveau de la Fondation sont solidaires, elles sont d’ordre spirituel parce-que, comme vous le constatez, aucun de nous n’a ses enfants parmi ses enfants que nous jugeons prioritaires. Et nous appartenons à cette communauté-là, chacun a une communauté, nous savons les conditions dans lesquelles nous avons étudié. Il y a une histoire que j’aime raconter, qui me passionne personnellement et qui m’amène à être beaucoup plus motivé et à motiver mes compatriotes, les amis de la Fondation. C’est que, au niveau scolaire pour les apprenants les besoins sont tellement énormes qu’une pièce de 100francs, une pièce de 200francs, peut permettre à quelqu’un de réussir comme le manque d’une pièce de 100francs peut compromettre l’avenir d’un enfant. Quand on a la volonté d’étudier et qu’on manque d’une pièce de 100 francs pour aller aux TD, nous en notre temps c’était 100francs pour participer aux TD, voyez ce que ça fait. Mais moi, je n’ai pas honte, je ne suis pas complexé de vous dire que je n’avais pas la pièce de 100francs là pour aller aux TD alors que j’avais la volonté. Donc il y avait des enseignants, il y a quelqu’un qui doit être au ministère de l’enseignement maternel et primaire, on l’appelle Amadou Sanni Sikirou, c’est lui qui me payait ça parce que je travaillais bien dans sa discipline qui était le Français. Il était content de moi et chaque fois il me payait les 100 F à chaque séance. Mais tout le monde n’a pas cette possibilité de bénéficier des TD. Il y a des gens qui, à cause de 1000francs, abandonnent les classes alors qu’ils étaient plus disposés à réussir à travers l’éducation.
Pour la circonstance, je me fais le devoir de vous raconter une histoire, mon histoire, et qui va vous émouvoir. C’est une histoire vraie que je raconte comme ça pour que les gens puissent comprendre pourquoi nous faisons toutes ces actions avec autant d’amour, de passion et de tapage.
« En 2004 à côté, j’avais eu mon baccalauréat et je devais passer les concours d’entrée dans les écoles professionnelles d’Abomey-Calavi. Mon père, il est encore là, je dis merci à Dieu, m’a remis une somme de 70 000francs FCFA pour aller préparer cela. Mais, au dernier moment, j’avais perdu le tout dernier billet de 10.000F qui restait et qui entre autres, devait servir à acheter les quittances de 2.000Fpour accompagner le dépôt du dossier. Coincé, je suis retourné revoir Papa à Kilibo pour lui expliquer la situation. Il m’a dit « Je n’ai plus d’argent, je t’ai donné 70.000f. Il ne voulait rien comprendre. Il m’a donné 5.000f et il dit : « Va-t’en ». J’ai pris les 5.000F, ça ne suffisait pas. J’ai déposé certains dossiers, et il manquait un billet de 2000francs pour le dépôt du dossier dans la dernière école que j’ai choisie. J’avais choisi trois et il manquait un dernier billet de 2000francs pour aller déposer à Parakou. J’ai cherché partout. Je n’en ai pas trouvé. Je suis allé voir un ami qui est à Parakou, un ami, un grand frère très âgé par rapport à moi. Mais c’est un ami et je lui ai dit : « Grand-frère j’ai besoin de 2000 F pour aller déposer un dossier. Il n’en avait pas lui aussi. A la vérité, il n’en avait pas ! Il était là et il avait pitié de moi. À quelques heures de la clôture, c’était à moins d’une heure de la clôture, et on était là tous triste, et il est entré dans le marché Arzèkè. Après environ 20minutes, il est revenu, il m’a tendu le billet de 2000f en disant : « Vas payer la quittance, cours vite. » Je suis allé payer la quittance vers l’ancienne préfecture de Parakou. Je suis arrivé, j’ai croisé les derniers, j’ai payé la quittance et je suis allé déposer mon dossier. Vous savez, pour ce concours-là, on cherchait quinze personnes au plan national. C’est le concours d’entrée à la filière qu’on appelait Jeunesse et animation, connue aujourd’hui sous l’appellation Science et techniques des activités socio-éducatives. On voulait quinze personnes au plan national. J’ai passé tous les concours pour lesquels j’avais déposé de dossier. Je n’ai pas eu et c’est là où on cherchait les 15 meilleurs, j’étais la quinzième personne sur la liste. Vous voyez ? C’est une histoire que je ne peux jamais oublier. J’ai failli rater en fait mon destin à cause de deux mille francs cfa ».
C’est émouvant ! Deux mille francs CFA. Vous voyez, tout ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à ça. C’est cela qui me permet d’être devant vous. J’ai parcouru le monde, j’ai parcouru les organisations internationales. Je tutoie certaines sommités. Mais deux mille francs allaient me faire perdre cette opportunité. Et chaque fois que je pense à ça, je me dis « mais, je ne peux pas laisser mes jeunes frères subir ces genres d’histoires. »
J’ai gardé ces documents-là, je ne les ai pas ici, j’ai gardé cette liste des quinze meilleurs qui ont eu le concours. J’ai gardé ça et le monsieur, il est à Parakou. Il est encore là. Je voudrais bien être aussi, ces genres de messie, pour la jeunesse de mon pays. C’est aussi une leçon pour d’autres personnes d’être solidaires surtout vis-à-vis des jeunes, des apprenants.
- C’est une histoire très édifiante
Oui, c’est très édifiant. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je raconte mon histoire aux gens pour qu’ils puissent comprendre pourquoi on est en train de faire ce travail de solidarité et de leadership. Parce que ce qu’on est en train de faire, les résultats ou l’impact, ça peut ne pas être pour maintenant. Mais moi je suis en train de vous parler de 2004. Ça fait aujourd’hui vingt-et-un ans ? Voyez-vous ? Donc peut-être que les enfants que nous soutenons aujourd’hui, les fruits ou retombées c’est peut-être dans vingt-et-un ans, mais il faudrait qu’on soit nombreux dans ce cadre. Je me suis amusé à dire aux gens à Savè il y a quelques jours : « Toutes les grandes personnalités dont nous parlons, qu’est-ce que vous en faites? Est-ce que les actions que nous posons aujourd’hui, chacun ou collectivement, nous permettent d’assurer une relève après ces gens-là?Est-ce qu’on est sûr qu’après eux, on aura d’autres personnes qui vont avoir ce parcours-là ? ».
Je vous ai dit tout à l’heure que nous avons des cadres de la Banque mondiale, de la BCEAO, des gens de la BOAD, des gens de la BAD qui sont avec nous. C’est une manière d’aider le pays à pouvoir assurer une relève de qualité, la représentativité. Donc, l’histoire de l’éducation, c’est ça. Pour que je ne l’oublie pas, c’est très important de pouvoir aider aujourd’hui les enfants qui vont à l’école avec un billet de 2000fcfa ou un billet de 5000fcfa. Il y a beaucoup d’enfants à qui je paie la scolarité sans que personne ne sache. Je le fais parce que je suis touché par ce qui m’est arrivé et je ne voudrais pas que ça arrive à d’autres personnes. A cause de 2000fcfa, j’allais rater toute cette carrière internationale que je suis en train de faire de façon brillante et très jeune parce que les niveaux de responsabilités auxquelles je suis, il y a des gens qui l’ont cherché en vain ou sans y parvenir pendant toute leur carrière. En toute humilité, ce n’est pas pour me vanter, les niveaux de décision auxquels je prends part sont vraiment habituellement trop élevés pour quelqu’un de mon âge. Je le dis, ce n’est pas un mérite. C’est une grâce. Il faut remercier Dieu pour ça, mais il faut qu’on travaille pour que cela se perpétue pour notre pays, pour que nous soyons plus nombreux.
- Quand vous regardez les réformes du président Talon, surtout dans le domaine de l’éducation, est-ce que vous avez l’impression que sa politique, la politique de la Rupture, est sur la bonne voie ?
Je répète encore que je ne souhaiterais pas aborder des questions politiques et que l’objectif est de rester dans le cadre stricte de notre Fondation et des activités de charité et de leadership que nous menons pour accompagner la jeunesse. Ceci étant, par rapport à votre question, de façon générale, comme je le disais, il y a eu beaucoup d’efforts qui ont été faits. Tout en étant neutre politiquement, je suis en mesure de dire qu’il y a beaucoup d’efforts qui ont été fournis et qu’il faut encourager.
- Qu’est-ce qu’il reste à faire en matière d’éducation ?
Ce qu’il reste à faire, c’est qu’on doit garantir par exemple un nombre suffisant d’enseignants dans nos localités. Il y a par exemple quelque temps, beaucoup d’enseignants manquaient dans plusieurs disciplines, y compris même les classes d’examen. Ça, c’est un défi à relever. Cela ne date pas du Président Talon. Mais puisqu’on parle des réformes, on parle de la Rupture, on parle de l’excellence, je pense que cela ne dépasse pas en fait le gouvernement. Il suffit en fait de s’intéresser davantage, de consacrer beaucoup plus de ressources et d’attention de façon prioritaire à ce volet-là pour combler le vide.
- Parlant de réforme, il y avait qu’on était habitué à des grèves perlées. Mais depuis plus de cinq ans que la réforme est introduite, il y a l’absence de grève. Aucun parent n’a plus vu ses enfants à la maison. C’est-à-dire que l’école a retrouvé un sens normal en termes de démarrage, en termes de respect du calendrier scolaire…
Oui. Et je voudrais vraiment saluer avec beaucoup de respect ces efforts de gouvernement qui ont permis de stabiliser le système éducatif. Et cela, sans doute, a eu des répercussions positives sur le rendement scolaire. Si vous vous amusez à regarder en fait les taux de réussite annuelle au niveau des différents examens, vous vous rendrez compte que depuis l’arrivée de ce régime, toutes ces réformes-là ont apporté une amélioration. Même si ce n’est pas chaque année, il y a une certaine stabilité et cela est vraiment à saluer, sans fausse modestie. Il faut dire un grand bravo au gouvernement pour ces réformes-là. C’est vrai qu’il y a des remous par rapport à cette mesure dont vous parlez.
- Est-ce de vos salaires que vous tirez les ressources pour accomplir les œuvres que vous faites ?
Je peux vous dire en réalité que tout ce que nous faisons actuellement, c’est à partir de nos salaires pour les salariés et des ressources propres pour les membres qui sont à leur propre compte. C’est des contributions, c’est sur fonds propre de la Fondation. Car, au niveau de la Fondation, nous avons les cotisations mensuelles, mais il y a des dons que les personnes font. Il y en a même qui font ces dons dans l’anonymat. C’est-à-dire qu’ils refusent qu’on les cite. Par contre, pour moi personnellement et même au niveau d’autres membres, cela pose un problème parce que notre Fondation ne peut pas seulement faire de la charité. Parce que la charité aussi, sans la sensibilisation, sans un leadership assez éclairé, ne va pas nous conduire au développement. Il n’y a pas un leadership sans communication. Donc, à travers la Fondation, nous voulons vraiment insuffler une nouvelle dynamique au niveau de la jeunesse béninoise. Et pour cela, on a besoin de communiquer. Quand on fait une petite action dans une localité, il faut communiquer pour pouvoir sensibiliser, pour pouvoir amener d’autres personnes à faire comme nous et pour que cette dynamique soit adoptée par tous. Donc c’est ça qui fait que nous communiquons abondamment sur les activités que nous faisons.
- Un mot de fin ?
On fera beaucoup de communications pour attirer beaucoup de jeunes et autres adhérents, surtout ceux de la diaspora pour être membres de cette fondation-là. Je pense que si on se met ensemble et qu’on arrive à travailler, à concevoir des programmes sociaux pour les jeunes sur la base de nos réalités, on peut aller très loin. C’est une initiative assez originale. On a déjà eu beaucoup de témoignages. Vous voyez, déjà, après ce qu’on a mis en place, on a parlé de ça à côté des amis et des collègues. Il y a déjà des gens qui initient actuellement fait la même chose au Congo, en Côte-d’Ivoire, en Guinée Equatoriale, ainsi qu’au Sénégal. C’est un modèle en fait qui n’avait jamais existé. On n’a pas encore vu une fondation comme ça, de cette originalité qui réunit les filles et fils d’un même pays pour travailler ensemble et contribuer de façon qualitative au développement. On n’a jamais vu ça. On a fait le sondage, on n’a pas eu une Fondation qui soit collective et nationale, qui n’appartient pas à un autre pays, qui n’appartient pas à une famille, qui n’appartient pas à un État. Et on voudrait vraiment que les gens nous encouragent. Que tout le monde s’associe à nous pour qu’on puisse travailler ensemble et tirer la jeunesse vers le haut, lui garantir un avenir meilleur.
CARTED’IDENTITE
Un Parcours inspirant d’excellence Internationale
Né le 15 décembre 1983 à Parakou, Moukaila Amadou est un fonctionnaire international dont la carrière exemplaire et l’engagement résonnent bien au-delà des frontières du Bénin. Il a commencé son parcours scolaire à Parakou puis à Kilibo, où il a obtenu son Certificat d’Études Primaires en 1997, avant de poursuivre avec le BEPC en 2001. Après avoir décroché le Bac série A2 en 2004 au CEG Hubert Maga à Parakou, il intègre l’Institut National de la Jeunesse, de l’Éducation Physique et Sportive (INEPS), où il s’est spécialisé en Développement Communautaire. Sa soif de connaissances l’a mené à obtenir deux licences et deux maîtrises en développement communautaire et en anglais, puis un Master en Développement Communautaire. Désireux de renforcer son profil, il a ajouté une maîtrise en sociologie-anthropologie et un Master en Santé Publique à son parcours. Cette formation pluridisciplinaire a posé les bases de sa carrière internationale, où il conjugue savoir-faire technique, compétences linguistiques et une compréhension fine des dynamiques sociales et culturelles.
Après un stage prometteur au Centre de Formation et de Recherche en Matière de Population (CEFORP) à Gbégamey (Cotonou), Moukaila Amadou est retenu comme employé pour une durée de cinq ans. Ce passage marquant l’a sensibilisé à des thématiques complexes liées à la santé, la démographie et le développement communautaire. En 2015, il franchit une étape cruciale en rejoignant l’ONG internationale Médecins Sans Frontières au Niger comme responsable senior de la recherche épidémiologique.
De là, il poursuit une carrière itinérante en occupant des postes stratégiques dans diverses organisations internationales, notamment en République Démocratique du Congo avec Save The Children International, au Burkina Faso, au sein de la CEDEAO avec l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS). Ces expériences l’ont confronté à des défis majeurs de coordination et d’évaluation dans des contextes délicats, renforçant ainsi sa capacité à gérer des projets complexes à l’échelle internationale.
Mais ce n’est pas tout. Moukaïla Amadou a fait son entrée au Bureau International du Travail (BIT), où il a occupé un poste au Bureau Régional Afrique à Abidjan (Côte d’Ivoire) couvrant 54 pays. Il a consolidé son statut de fonctionnaire international en atterrissant à l’UNICEF où il est aujourd’hui spécialiste en évaluation multi-pays, un rôle qui lui confie la responsabilité d’évaluer les programmes et projets de l’organisation dans la région du Sahel. Basé à Ouagadougou pour plus de proximité avec les pays du Sahel, il s’apprête à relever un nouveau défi avec une promotion effective dès janvier 2025 en Guinée-Conakry. Dans un contexte sous-régional fait de tensions, il mesure l’importance des organisations régionales pour le développement des États membres. C’est pourquoi il plaide pour le dialogue et la négociation comme outils pour résoudre les tensions actuelles dans la région. « Se mettre en communauté est vital pour atteindre les objectifs de développement », affirme-t-il.
Il se décrit lui-même comme un « homme de défis ». Sa capacité à relever les obstacles avec une planification rigoureuse et une organisation minutieuse est une constante dans sa vie. Qu’il s’agisse de jongler entre ses responsabilités professionnelles, associatives et familiales, ou de naviguer dans les complexités des relations internationales, il fait preuve d’une détermination inébranlable. Sa philosophie repose sur une foi profonde en Dieu et la conviction que rien n’est impossible.
INTIMITE
Une femme compréhensive
Malgré un emploi du temps très chargé, Moukaila Amadou trouve le temps de pratiquer le sport trois à quatre fois par semaine. Amateur de la pâte de maïs accompagnée de sauce légumes, il apprécie également le vin lors de ses séjours à l’étranger. Marié à une femme compréhensive et patiente rencontrée lors de ses années étudiantes, ce père de trois enfants met un point d’honneur à concilier ses responsabilités familiales et ses engagements professionnels.