You are currently viewing Opinion: Dr Kuessi SOHOUDE appelle à renforcer la fonction du vice-président de la République
Dr Kuessi Marius SOHOUDE, Maître de Conférences des Universités CAMES

Opinion: Dr Kuessi SOHOUDE appelle à renforcer la fonction du vice-président de la République

Pendant que les chapelles politiques s’occupent de la personnalité de celui qui devra assumer la fonction du président de la République à quelques mois des élections, le Dr Kuessi Marius SOHOUDE, Maître de Conférences des Universités/CAMES attire l’attention sur l’importance du poste de vice-président. Il en appelle à la correction des insuffisances relatives à ces dispositions. Car, dit-il, le vice-président n’est pas mis dans des conditions, qui lui permettent d’être préparé à jouer pleinement le rôle du président de la République en cas de vacance du pouvoir. L’Enseignant-chercheur en littérature et civilisation allemandes propose, dans son analyse, de corriger les insuffisances de ladite loi en tenant compte des expériences d’autres pays comme les Etats-Unis d’Amérique et la République Fédérale d’Allemagne dont les premières expériences remontent respectivement à 1789 et 1949. Lire ci-dessous l’intégralité de son opinion:

Dr Kuessi Marius SOHOUDE, Maître de Conférences des Universités CAMES

Quid du poste de vice-président de la République ?

Depuis quelques temps, un débat houleux s’anime autour de la candidature au poste du président de la République. Pendant que les uns craignent que l’actuel chef d’Etat déclare sa candidature pour un troisième mandat, les autres s’inquiètent du silence qui entoure la désignation des candidats à la plus haute fonction de la République. Presque personne n’évoque, à quelques mois des élections présidentielles, l’exigence légale d’une candidature en duo, celle à la fois aux postes de président et de vice-président de la République sur une même liste. C’est dire que tout candidat sans colistier se verra refusé. Il s’avère donc très utile voire indispensable que les différents partis en compétition prennent connaissance et conscience de l’importance du poste de vice-président, afin de proposer les meilleurs candidats qualifiés, et que les citoyens fassent de même pour pouvoir choisir le meilleur duo présidentiel.

Définition légale du poste de vice-président

C’est, en effet, dans la loi 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la loi n° 90-32 du 11 décembre l990 portant Constitution de la République du Bénin que, pour la première fois depuis 1990, le poste de vice-président a été prévu, notamment en son article 41 nouveau alinéa 3. Ladite loi précise que le vice-président remplace le président de la République en cas de « vacance de la présidence de la République ». L’article 50 complète cette précision, en son 1er alinéa, en ajoutant que les fonctions présidentielles sont exercées par le vice-président devenu président « pour le reste de la durée du mandat en cours ».

On peut donc logiquement en déduire que le vice-président doit remplir les mêmes conditions que le président de la République. Ces conditions peuvent être regroupées en deux parties. La première partie est relative à la candidature, tandis que la seconde concerne la capacité du vice-président à « assurer » la vacance du poste du président de la République.

Pour ce qui est de la candidature, la loi prévoit, à juste titre, en son article 44 que les conditions de candidature concernent les deux postes : « Nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la République ou de vice-président de la République s’il … ». Quant à la seconde partie des conditions, il s’agit notamment des attributions du vice-président. A ce niveau, il va de soi que les deux autorités ne sauraient avoir les mêmes attributions. C’est ainsi que l’article 54 nouveau définit les attributions du président de la République tandis que l’article 54-1 nouveau précise celles du vice-président. Cependant une lecture critique des rôles prévus pour le vice-président révèle des insuffisances très inquiétantes.

Quelques inquiétudes et suggestions

Alors que le 9e alinéa de l’article 54 nouveau interdit rigoureusement au président de la République de « déléguer » « ses attributions au vice-président de la République », .le 1er alinéa de l’article 54-1 nouveau précise que le vice-président n’est pas membre du gouvernement, mais « représente le président de la République, à la demande de celui-ci, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national ». Le vice-président ne fait donc que ce que le président de la République lui confie comme tâche ou mission, sans en avoir la responsabilité officielle. Il joue ainsi à peu près le rôle d’un « chargé de mission spécial » du Chef de l’Etat et n’est donc pas comptable du bilan des actions du gouvernement. Il ne répond de rien, ni devant le parlement, ni devant le peuple qui l’a élu avec le président de la République.

Le seul rôle principal et régulier du vice-président réside, selon le 2e alinéa de l’article 54-1 nouveau, dans sa fonction de « grand chancelier de l’ordre national », à laquelle le président de la République nommait une personnalité, conformément à l’article 56 ancien. Cette fonction ne rapproche pas non plus le vice-président de la gestion des affaires essentielles de la République.

On constate donc que le vice-président, de par ses deux fonctions, n’est pas mis dans des conditions qui lui permettent d’être préparé à jouer pleinement le rôle du président de la République en cas de vacance du pouvoir. L’absence totale au gouvernement l’empêche d’être informé des dossiers importants de la République pour prendre en son temps plus aisément la charge de leur gestion ou même contribuer à la recherche de solutions idoines aux problèmes. L’impossibilité presque totale de faire l’expérience de  la gestion étatique ne le rend pas apte à éviter certaines erreurs de novices préjudiciables à toute la nation. Pour remédier à cette insuffisance, nous pensons que le vice-président devrait avoir tout au moins la possibilité d’être membre du Conseil des ministres, comme le Coordonnateur du collège des ministres conseillers, sans voix délibérative. Cette disposition contraindrait également le vice-président à être comptable des actions du gouvernement et de son chef avec qui il a été élu en duo. Ceci restreindrait, en outre, l’influence du vice-président, afin d’éviter qu’il naisse une concurrence entre les deux personnalités et que nous retombions dans un triste passé assimilé au « monstre à trois têtes », auquel le coup d’état de 1972 a dû mettre fin.

Autrement, le poste de vice-président, qui, en principe, permet d’éviter un recommencement en cas de vacance de la présidence de la République, ressemblerait à une coquille vide. La nomination d’un grand chancelier de l’ordre national et d’un chargé de mission spécial ou d’un ministre d’Etat suffirait et nous nous contenterions de la possibilité que le président de l’Assemblée Nationale assure la présidence de la République, en attendant l’élection d’un nouveau président de la République, comme le prévoit la constitution du 11 décembre 1990.

Par ailleurs, un problème se pose également au niveau du mode de désignation du nouveau vice-président, lorsque le vice-président élu devient président de la République. Contrairement au président élu que la loi contraint à proposer un candidat au vote du parlement à une majorité de 2/3  pour remplacer le vice-président en cas « de manquement grave » (Cf. article 54 nouveau, 3 derniers alinéas), le nouveau président est autorisé à désigner un nouveau vice-président simplement « après avis consultatif du Bureau de l’Assemblée nationale » (Article 50 nouveau, 2e alinéa). Ainsi le nouveau vice-président ne serait plus un élu du peuple, comme son prédécesseur. Pour régler ce problème, nous pensons qu’il faut appliquer la même contrainte au nouveau président, afin de garantir que le vice-président demeure un élu du peuple, même si c’est la représentation nationale qui procède à son élection pour éviter l’organisation dispendieuse de nouvelles élections présidentielles.

Proposer une nouvelle loi pour le poste de vice-président

Au-delà des suggestions faites plus haut, l’idéal serait que le parlement et le gouvernement  proposent une nouvelle loi pour corriger les insuffisances soulevées et améliorer les dispositions relatives à la fonction de vice-président de la République. Pour que cette œuvre salvatrice soit efficace et conséquente, il faut tenir compte des expériences d’autres pays qui ont une longue et riche expérience avec la fonction de vice-président. Il s’agit notamment des modèles des Etats-Unis d’Amérique et de la République Fédérale d’Allemagne dont les premières expériences remontent respectivement à 1789 et 1949.

S’inspirer des expériences américaines et allemandes

En ce qui concerne les Etats-Unis d’Amérique, on peut noter que le vice-président américain n’est pas membre du gouvernement fédéral, mais il est le président du Sénat, la chambre de représentation des Etats fédérés. Le rôle et les fonctions du vice-président ont varié dans l’histoire, selon l’importance que le président élu lui accorde. Cependant il faut retenir que les expériences ont poussé les Américains à faire du vice-président officiellement un membre du Conseil de Sécurité Nationale des Etats-Unis, afin de lui permettre d’être en mesure d’assurer la sécurité du pays en cas de vacance du pouvoir présidentiel.

En Allemagne, par contre, le vice-chancelier est ministre, donc membre du gouvernement. Il a par conséquent l’occasion de gérer un portefeuille et d’en répondre vis-à-vis du chef du gouvernement et de ses collègues ministres ; ce qui lui permet d’acquérir des expériences dans la gestion de l’Etat et d’être très bien informé des dossiers des autres départements ministériels. Ce principe est respecté, même quand c’est une coalition de partis qui constitue le gouvernement. Dans ce cas, le vice-chancelier est généralement issu du parti partenaire ayant réuni le plus de voix après le parti majoritaire dont le chancelier est le représentant et souvent le chef.

Conclusion

En conclusion, il faut noter que le poste de vice-président est très important pour la continuité de la gestion de l’Etat en cas de vacance de la présidence de la République. D’une part, les partis politiques doivent tenir compte des fonctions qui attendent le vice-président pour définir son profil et proposer les meilleurs candidats aux postes du duo présidentiel. D’autre part, il est indispensable voire urgent de mieux clarifier et d’élargir les fonctions du vice-président dans une nouvelle loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990, afin de mieux préparer le vice-président élu à remplacer pleinement le président, en cas de vacance de la présidence de la République. Pour enrichir suffisamment cette démarche des expériences d’autres Etats, il faudrait solliciter les expertises nécessaires, notamment celles des chercheurs en civilisations étrangères.

Dr Kuessi Marius SOHOUDE, Maître de Conférences des Universités/CAMES en littérature et civilisation allemandes, Enseignant-chercheur au Département d’Etudes Germaniques de l’Université d’Abomey-Calavi,

Laisser un commentaire