Dans une réflexion approfondie, l’Ambassadeur Candide Ahouansou s’interroge sur la nature des rapports entre les autorités politiques et les citoyens béninois. Pour lui, la gestion de la nation ne saurait se réduire à une hiérarchie verticale où l’homme politique se place au-dessus du peuple. Il appelle à revisiter la pratique politique afin de redonner sens à l’engagement public, dénonçant la « politique du ventre » et la transhumance, tout en plaidant pour plus d’empathie, de proximité et de responsabilité envers les électeurs. Il plaide pour un système où l’homme politique n’est plus au-dessus du citoyen mais à son service. Lire ci-dessous l’intégralité de son opinion.

Revisiter les rôles de nos hommes politiques
AUTORITÉS POLITIQUES ET CITOYENS. QUEL RELATIONNEL ?
LA GESTION DE TOUTE ENTITÉ QUELLE SOIT JURIDIQUE OU DE FAIT A RECOURS À LA HIÉRARCHIE POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICIENT. LA NATION A LA PARTICULARITÉ D’ÊTRE UNE ENTITÉ POLITIQUE. SA GESTION DEVRAIT- ELLE SUBIR LES REGLES DE LA HIÉRARCHIE IMPLIQUANT A L’ORDINAIRE DES RAPPORTS VERTICAUX ENTRE LES AUTORITES DIRIGEANTES ET LE PEUPLE ?
Pourquoi donc, depuis notre accession à la souveraineté nationale et, traversant les âges et les régimes, notre système politique a t- il toujours mis les hommes politiques au -dessus des citoyens ? Ou alors pourquoi le citoyen moyen a -t’-il toujours eu le sentiment qu’il entretient avec les autorités dirigeantes des rapports de subordination ? Il convient d’essayer de déterminer les raisons de cet état de chose, car il ne devrait pas en être ainsi du relationnel entre ceux qui font de la politique et ceux qu’ils sont censés servir ce faisant. Mais qu’est- ce au juste faire de la politique et de quelle manière la faisons- nous ?
LE PRÉALABLE DES TERMINOLOGIES APPROPRIEES OU QU’EST-CE-FAIRE DE LA POLITIQUE
L’expression faire de la politique est de nos jours si galvaudée qu’il convient de chercher à y voir clair afin de séparer le bon grain de l’ivraie.
- Faire de la politique au sens noble et sain du terme
L’expression signifie que l’on s’engage dans la gestion des affaires publiques. Cet engagement se concrétise généralement par l’adhésion à un parti politique dont l’on partage les idéaux. L’adhésion peut conduire à un poste de responsabilité au niveau local ou national avec le soutien du parti. L’accession à un tel poste est tributaire du fait que le parti auquel l’on a adhéré est au pouvoir après avoir gagné des élections. Si ce n’était le cas, l’on devra attendre et travailler afin que votre parti les gagne et vous positionne selon vos mérites, le cas échéant. Cela nous paraît être la meilleure façon de faire de la politique.
- Faire la politique du ventre
D’aucuns viennent à la politique par défaut ne sachant rien faire d’autre. Ils y voient leur seul moyen de vivre et en font une carrière conséquemment. Pour eux, adhérer à un parti politique ne signifie nullement qu’ils partagent ses idéaux mais qu’ils y voient les meilleures chances de gagner les élections et partant, les meilleures opportunités de s’assurer une position de responsabilité aux fins d’accumulation de richesses et d’avantages matériels quand bien même au détriment de l’intérêt général.
Le corollaire de cette façon de faire, c’est la transhumance politique. L’arriviste politique n’a aucun scrupule à migrer d’un parti à un autre, se fondant sur ses calculs et son flair d’être positionné en bonne place le plus tôt que possible. Migrer aussi bien avant les élections qu’au cours d’une législature bouleversant ainsi sans scrupule les équilibres parlementaires. Migrer sans que l’idéologie du parti si ce dernier en a une, ni ses programmes ne le retiennent. A titre d’illustration, Il n’est que de voir ce qui s’est passé ces derniers temps dans l’arène politique avec pour point de mire les prochaines élections. Il est, soit dit en passant, bien regrettable qu’il n’y ait aucune loi qui interdise cette pratique dépréciative pour notre système politique et notre pays alors qu’elle existe dans d’autres pays africains.
- Faire de la politique sans être membre d’un parti et sa noblesse
L’on peut classer dans cette catégorie les citoyens qui défendent des idées politiques indépendamment des partis politiques, analysent les évènements politiques et proposent des stratégies aux autorités dirigeantes. Il s’agit généralement de professionnels de la science politique. Le problème, c’est le manque d’importance que les autorités dirigeantes accordent à leurs propositions contributives à une meilleure gestion de l’Etat. Tout porte à croire en effet, qu’elles rechignent à prendre en considération ne serait – ce que pour les étudier les propositions qui n’émanent pas de leurs cabinets : et cela est une erreur à mon avis.
- Faire de la politique d’activiste
Les tenants de cette manière de faire valoir leurs idées optent pour l’action directe et la propagande. Leur expression est bien souvent en rupture de ban avec la société et agressive dans une certaine mesure. Un compatriote est bien connu sur la scène internationale pour en être un adepte inconditionnel. Je ne sais si nous en sommes fiers.
REMISE EN CAUSE DU VECU POLITIQUE ET NECESSAIRE DENOMINATEUR COMMUN
Il est de mon opinion que de temps à autre, ceux qui portent la lourde responsabilité morale d’être des cadres de la nation devraient s’obliger à se poser des questions sur le bien-fondé d’éléments qui sont passés au rang des habitudes et devenus ainsi routine alors qu’ils dérangent profondément. Ceux qui font de la politique devraient se convaincre du fait que leur dénominateur commun devrait être de ne pas s’estimer au- dessus du citoyen ordinaire ni de le regarder de haut ni de l’étouffer par leur comportement une fois parvenus à des postes de responsabilité. Quels sont donc ces éléments qui étouffent le citoyen électeur ? Ils sont nombreux mais je ne ferai cas que de deux d’entre eux dans la présente réflexion
- Je ne sais si les personnes que nous dépêchons à l’Assemblée Nationale pour y défendre entre autres les intérêts des circonscriptions qui les ont élus font correctement le travail de proximité qui leur revient. Il y a de quoi se poser la question d’autant qu’à mon avis, la Constitution ne les y convie guère. En effet, la loi fondamentale en son article 80 stipule clairement : ‘’ le député est le représentant de la nation entière et tout mandat impératif est nul.’’ Sans me permettre l’outrecuidance de trouver à redire à ce qu’ont formulé des sommités de ce pays, je voudrais qu’il me soit néanmoins permis de constater que l’article en question était décidément la base de l’élection du député à savoir sa circonscription ainsi que le fait qu’il se doit tout de même d’apporter les préoccupations de sa base devant l’Assemblée Nationale sans qu’il soit question d’un ‘’mandat impératif’’ et sans préjudice toutefois de sa représentativité nationale. L’article tait tout cela pour ne mettre exergue que la stature nationale du député sous le prétexte qu’il vote des lois et qu’il contrôle l’action du gouvernement : autant de prérogatives à l’échelle nationale certes. Mais est- ce raison pour ignorer la base qui l’a élu ? Le slogan du président Mao Zedong qui dit : ‘’qui peut le plus peut le moins » me vient à l’esprit. Alors pourquoi donc la loi fondamentale ignore -t-il délibérément la base du député et la défense des intérêts de cette dernière. Que l’on ne s’étonne alors point du désintérêt du député pour sa base et du fait qu’il regarde ses électeurs de haut après son élection. Au reste, et à titre personnel, j’ai un faible à résister à l’idée que les conseillers communaux récemment nommés ont pour mission entre autres de pallier à cette situation. N’est- ce pas que l’honorable Vlavonou lui-même Président de l’Assemblée Nationale a déclaré s’adressant aux Conseillers en question : ‘’Vous serez désormais le pont qui relie les citoyens aux gouvernants ‘’ ?
- Le manque d’empathie des autorités politiques dirigeantes envers la société est un second élément qui éloigne les citoyens d’elles
Je n’en veux pour preuve que ce que j’écrivais à leur endroit en Avril 2020 au moment où la COVID nous frappait durement et que je ne peux mieux écrire aujourd’hui. Les termes en étaient les suivants :
‘’ Ne serait-il pas indiqué que l’autorité centrale obtienne de tous les membres de de l’Exécutif et de l’Assemblée Nationale d’offrir une partie, disons la moitié d’un mois de salaire à l’État dans le cadre de cette participation qu’il sollicite lui -même par communiqué de presse pour venir en aide aux malades ? Il serait en effet de bon ton et de bon aloi que l’Etat commence par donner le bon exemple lui -même. Ce faisant les autorités se donneront l’occasion de se rapprocher du peuple qui en a vraiment besoin. Sauf défaillance de mémoire de notre part, nous n’avons jamais, mais au grand jamais, entendu parler d’un tel geste de solidarité des gouvernants avec le peuple tout au long de notre histoire politique, tandis qu’il est monnaie courante dans bien d’autres pays dans les situations de crise. ‘’ Je jetais ainsi un pavé dans la mare. Mais force est de constater, sauf déficit d’information de ma part, que rien ne s’était passé. Le commentaire est superflu et n’est point de mise.
Ambassadeur Candide AHOUANSOU