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Siège de l'Assemblée nationale

Siège de l’Assemblée nationale: Un chantier emblématique de mauvaise gouvernance selon un audit officiel

Coût triplé, malfaçons graves, contrats irréguliers : l’audit commandité par le gouvernement révèle un désastre technique et financier qui pèse lourdement sur les finances publiques.

Siège de l’Assemblée nationale

Initialement estimé à 16 milliards de francs CFA, le projet de construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale du Bénin à Porto-Novo aura finalement englouti, à terme, plus de 45 milliards de FCFA, selon le rapport définitif d’audit technique, juridique et financier commandité par le gouvernement de la Rupture. Ce chiffre inclut près de 9 milliards de francs CFA de surcoûts dus à la mauvaise gestion du projet, aux suspensions prolongées, aux contentieux, et aux malfaçons.

Un projet démesuré devenu gouffre financier

Lancé en 2002 et confié à la SERHAU-SA en tant que maître d’ouvrage délégué (MOD), le chantier était censé durer deux ans. Or, vingt-deux ans plus tard, il n’est toujours pas achevé. Selon le rapport, le taux d’exécution physique global n’atteignait que 45,71 % à fin 2017, alors que 56,19 % des fonds avaient déjà été dépensés.

« Le coût d’objectif global du projet s’élève à 45.172.694.557 F CFA TTC, soit près de trois fois le montant initialement prévu », note l’audit, précisant que ce coût inclut des dépenses liées aux contentieux (2,6 milliards), à la remise aux normes de sécurité (350 millions), aux malfaçons (1,3 milliard) et à des travaux complémentaires (4,4 milliards).

Des malfaçons aux conséquences graves

Sur le plan technique, le rapport met en lumière des désordres structurels majeurs. La stabilité du bâtiment administratif et de l’hémicycle est jugée compromise, nécessitant des contrôles rigoureux avant toute reprise des travaux.

De plus, aucun permis de construire n’a été délivré, ce qui constitue une violation grave de la réglementation. Le rapport déplore également l’absence de plan de sécurité incendie conforme, en raison du défaut de validation par le groupement des sapeurs-pompiers. « En l’absence de permis de construire, SOCOTEC, chargé du contrôle technique, aurait dû alerter les autorités et produire un Rapport Initial de Contrôle Technique, ce qui n’a pas été fait », précise le rapport.

Le chantier a aussi été victime d’un mauvais choix de site : un terrain marécageux aux abords de la lagune, nécessitant des travaux de terrassement spéciaux. La complexité du sol a généré de nombreux travaux supplémentaires, dont une partie a été confiée au Génie militaire.

Responsabilités partagées et irrégularités multiples

L’audit pointe du doigt la gestion hasardeuse et peu rigoureuse du MOD SERHAU, qui aurait notamment perçu 150 millions de FCFA d’honoraires en trop, justifiés par un OPC (assistant au pilotage) pourtant imposé par l’audit précédent. « La SERHAU n’a pas correctement assuré sa fonction d’ordonnancement, de pilotage et de coordination du projet », lit-on dans les conclusions. Les marchés ont été attribués sans respect strict du code des marchés publics. Plusieurs lots ont fait l’objet de ruptures de contrat, notamment les lots confiés aux entreprises EMCR (gros œuvre) et PRINCESSE D’OR (menuiserie aluminium et charpente), qui ont perçu des avances de démarrage sans remboursement à la résiliation : plus de 1,1 milliard de FCFA perdus à ce titre.

Le bureau d’études techniques AUXI BTP, censé fournir les études de génie civil, a abandonné sa mission en cours de route, aggravant les dysfonctionnements. Aucun plan technique n’a été validé correctement, et plusieurs entreprises ont exécuté des travaux sans soumettre leurs plans pour approbation.

Un préjudice estimé à plusieurs milliards pour le contribuable

L’État doit encore mobiliser plus de 22,5 milliards de FCFA pour achever les travaux. L’audit estime que le manque à gagner cumulé pour le contribuable béninois, en tenant compte des surcoûts, des travaux inachevés, et des pertes liées aux contentieux et malfaçons, s’élève à près de 9 milliards de FCFA. « Le recouvrement des contentieux d’un montant de 2.598.143.338 F CFA pourrait ramener le coût d’objectif à 42,5 milliards, mais cela reste incertain », tempère le rapport.

Vers une solution judiciaire ou amiable ?

Sur le plan juridique, le rapport recommande de ne pas faire cause commune avec SERHAU, et d’envisager des recours contre les acteurs responsables, y compris le maître d’œuvre TROPHEE et les bureaux de contrôle. Toutefois, les auditeurs estiment que les chances d’exonération en appel sont minces, au vu des manquements accumulés. « Faire le choix de la résolution amiable des conflits nés et à naître semble être la solution la moins risquée au regard de l’ensemble des manquements », conclut la section juridique.

Une reconstruction institutionnelle nécessaire

Pour assurer l’achèvement du projet, plusieurs options sont proposées : reprise par une entreprise générale, nouvelle maîtrise d’ouvrage déléguée, ou poursuite avec l’actuelle MOD (SERHAU) mais sous contrôle renforcé, avec changement du bureau de contrôle et nomination effective de la Personne Responsable des Marchés Publics (PRMP).

O. A.

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